28 décembre 2010
27 décembre 2010
langage, moi, réalité qui se fondent
« Le moi touche au monde extérieur par sa surface ; et comme cette surface conserve l’empreinte des choses, il associera par contiguïté des termes qu’il aura perçus juxtaposés : c’est à des liaisons de ce genre, liaisons de sensations tout à fait simples et pour ainsi dire impersonnelles, que la théorie associationniste convient. Mais à mesure que l’on creuse au-dessous de cette surface, à mesure que le moi redevient lui-même, à mesure aussi ses états de conscience cessent de se juxtaposer pour se pénétrer, se fondre ensemble, et se teindre chacun de la coloration de tous les autres. Ainsi chacun de nous a sa manière d’aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n’a-t-il pu fixer que l’aspect objectif et impersonnel de l’amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l’âme. Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. Mais de même qu’on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d’un mobile sans jamais combler l’espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage. »
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience [1927], PUF, 1965, p.123-12
Ti Pocame
Ti Pocame était un gentil petit garçon qui vivait chez sa tante car il était orphelin.
Sa Tante ne l’aimait pas du tout et lui préférait ses deux fils qu’elle entourait d’attentions particulières au détriment de Ti Pocame. Pour eux les jolis habits bien empesés et pour Ti Pocame, les vieux haillons ; pour eux les bons morceaux de viande et pour Ti Pocame les os ; pour eux les douceurs (bonbons, pain doux et pilibos), pour Ti Pocame toutes les corvées (aller chercher l’eau à la rivière, nourrir le cochon et les poules, éplucher les légumes, …). Souvent, elle le punissait injustement et le menaçait de le donner au diable, ce qui le faisait trembler d’effroi.
Mais Ti Pocame était courageux et il ne se plaignait jamais. Il songeait souvent à sa chère marraine chez qui il aimerait bien partir vivre un jour.
Un soir, alors qu’ils étaient à table, la Tante ordonna à Ti Pocame d’aller cueillir un piment afin de relever le repas. Il faisait nuit noire et tout de suite, Ti Pocame pensa :
– C’est ce soir que ma Tante m’envoie au diable !
Avant de sortir, il prit soin de glisser dans sa poche les sept pépins d’orange qui portent chance, que sa Marraine lui avait donnés pour ses étrennes.
Arrivé dehors, la nuit l’enveloppa tout entier. Il prit garde à faire le moins de bruit possible afin que le diable ne le remarqua point. Soudain, il vit une petite lumière comme celle d’une luciole à la différence que celle-ci se mit à foncer sur Ti Pocame.
– Le diable, pensa-t-il.
Et sans réfléchir, comme par instinct, il lança les pépins d’orange à terre et se mit à chanter :
Pié zoranj, lévé, lévé
Gro-diab’la lé mangé mwen !
Oranger, pousse, pousse,
Le gros diable veut me manger !
C’est alors qu’un oranger sortit de terre et se mit à grandir, grandir devant un Ti Pocame ravi, mais un peu surpris.
La boule de feu était toujours là, menaçant Ti Pocame.
Pié zoranj, poussé branch, poussé branch,
Gro-diab’la lé mangé mwen !
Oranger, sors tes branches, sort tes branches
Le gros diable veut me manger !
Et les branches de l’arbre se mirent à pousser, pousser.
Ti Pocame sauta sur l’une d’elle et grimpa vers le sommet de l’arbre afin de se mettre à l’abri de la boule de feu qui approchait toujours, encore plus menaçante.
Pié zoranj, baille flè, baille flè,
Gro-diab’la lé mangé mwen !
Oranger, fleuris, fleuris,
Le gros diable veut me manger !
Des milliers de fleurs odorantes apparurent sur chaque branche à la grande joie de Ti Pocame.
Mais à ce moment, la grosse boule de feu éclata et un vilain diable apparut, tout poilu avec des longues griffes au bout de chaque doigt.
Il hurlait en gesticulant :
– Ti Pocame, je vais t’attraper et je te mangerais tout cru !
Ti Pocame ne perdit pas son courage. Il se mit à chanter de plus bel :
Pié zoranj, baille zoranj, baille zoranj,
Gro-diab’la lé mangé mwen !
Oranger, donne des oranges, donne des oranges,
Le gros diable veut me manger !
De belles oranges bien grosses remplacèrent les fleurs. Ti Pocame les cueillit et les envoya sur le diable. Il le bombarda surtout que les oranges étaient inépuisables : dès qu’il en cueillait une, une autre apparaissait à la place.
La bataille dura toute la nuit. Ti Pocame était très adroit et chacune de ses oranges atteignait le diable qui, lorsque le jour pointa, se retrouva enseveli sous les oranges magiques.
Lorsque le premier rayon de soleil brilla, la terre s’ouvrit et le diable y disparu.
Ti Pocame sauta de son arbre sauveur qui lui aussi disparu à son tour. Il retrouva dans le fond de sa poche les sept pépins d’orange. Il songea à sa chère Marraine et décida d’aller vivre chez elle.
Ti Pocame se mit donc en route, certain que les sept pépins d’orange le protégeront de tous les dangers.
26 décembre 2010
25 décembre 2010
Vingt-troisième Noël
Il y a 20 ans, je fêtais Noël dans cet endroit, enfin je crois. Peut-être pas. Cela n’a pas vraiment d’importance après tout. Ici ou là. S’il y avait une cuisine qui donnait sur le salon ou le couloir ? Si le couloir était rose ou gris ? S’il y avait un sapin synthétique ou un vrai ? Si la grande marche menant à la salle à manger était vraiment si grande ? Si toute la famille était là ou pas ? Quelle importance ?
De toutes façons je dormais.
Errances
Errance proprement dit fait d’errer çà et là. Elle est liée à un emploi du temps extrêmement rigoureux et tenue d’accroître le nombre de ses réflexions. C’est ce fatal désir d’accroissement qui entraîne ce cycle interminable de raid et de vendetta qui conduit à succomber au désir d’aller toujours plus loin chaque années.