07h32. La chambre. Ma mère me réveille avec des mots gentils. Elle doit lever un peu ses pieds pour atteindre ma tête posée sur le lit superposé. J’ouvre les yeux. Ils font face à un papier peint rose très clair avec de petits reliefs qui imitent quelques coups de pinceaux. La bordure qui l’accompagne est composée de silhouettes représentants des lapins blancs. Ils ont les oreilles baissées et leurs pattes recouvrent un tapis d’herbe menthe à l’eau. La lumière du matin rentre par l’interstice laissée par le vasistas et éclaire la couverture à sirène rousse. Loumi, mon chien, est plutôt un lapin, il est posé à côté de la taie d’oreiller. Je descends l’échelle en bois d’un seul coup, en me laissant glisser.
08h26. La longue allée. Pour aller à mon école, l’école du Chêne Maillard, 45 770 SARAN, il faut l’emprunter. Elle fait environ 100 mètres de long, peut-être 8 de large et est tout en goudron. Ici les parents va-et-viennent, seuls ou avec des plus petits, qui sont justement trop petits pour aller à l’école. Moi j’y vais toute seule et le début de cette allée représente presque la moitié du chemin qu’il me reste à parcourir. Autant dire : pas beaucoup. Il y a une grille blanche au milieu, elle est à barreaux, entre chacun il y a 20 centimètres de vide. Sur sa gauche : une petite porte pour les piétons, comme ça les voitures font marche arrière.
10h30. Le fond de la cour de récré. La terre est poussiéreuse, label rouge pour faire un bon doudou, cette pyramide de poudre qui naît grâce nos mains agiles raclant le sol. Aussi, il y a des épines sur le sol, des trous ici et là. Oui, c’est contre les grilles qu’on joue aux billes.
13h45. Les pins. Après avoir manger chez Bernard, le retraité des militaires, je cours à grande enjambées à travers la longue allée goudronnée. Et me voici déjà à la grille verte de l’école encore fermée. Des gamins s’agitent dans la cour, je n’ai plus qu’à attendre. Sur la petite place devant la grille justement il y a trois grands pins, avec leurs épines on peut tisser des tapis mais moi je n’y arrive pas. Par contre, je sais très bien grimper dans ces derniers, je m’accroche, je fais le petit singe, le cochon pendu. Ces pins sont si vieux qu’ils vont en voir encore bien d’autres.
16h34. Le bureau de tabac. La classe est finie, direction là-bas, juste derrière l’école. La devanture est bleue quasi-marine. Il y a tabac écrit avec ses lettres à empâtements, à la verticale et en blanc sur losange rouge. Le panneau est dehors, tout en haut. Quand j’entre à l’intérieur j’aime bien sentir l’odeur de magazines, du papier qui est dedans, ça sent aussi le blister et la fumée froide des cigarettes. Celui qui vend est brun, quadragénaire, il fume, je lui achète un paquet de graines de tournesol séchées salées. Ça ne coûte pas du tout cher, un franc peut-être. Sur le paquet qui renferme les petite choses blanches et noires il y a une tête d’hérisson qui semble heureux.
20h46. La chambre des parents. Les murs sont blancs, la moquette vert pastel, le lit est posé au milieu de la pièce contre le premier mur. Il y a un bureau en bois foncé de 2 mètres de long dans le coin gauche, en face du lit : une grande, grande étagère, dedans : tous les habits de papa. La housse de couette est rouge, vert foncé, les motifs sont cachemires. Je suis sur ce lit, toujours le même, je m’entends rire très fort, je lis le dernier Tom-Tom & Nana.
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