Les petits plaisirs des millionnaires.
Ils étaient 2.
Le cul posé sur un banc bleu.
Thomas ne voulait pas partir comme ça.
Il retourna dans la cuisine et pris un bout de sopalin.
Il griffonna quelques mots.
La mine du crayon bleu troua plusieurs fois la feuille.
L’encre absorbée par la matière rendait l’aveu illisible.
Il reboucha le feutre et posa le sopalin sur la table orange de la cuisine.
Thomas parti, il ne reviendra pas.
Il regarda par la fenêtre.
Il ouvrit le gaz.
Il s’installa dans son fauteuil gris, les chaussettes noires sur la moquette sombre.
Il somnola quelques minutes sous les effets de ses actes.
Il se réveilla, il griffonna deux trois mots sur un carnet.
Machinalement, il prit une cigarette, et chercha son briquet.
Il l’alluma.
Les chaussettes sales encore en boule dansent dans le tambour de la machine à lavé.
Elles tournent dans le cylindre métallique chahutées par la rotation de la machine.
Noyé dans l’eau savonneuse elles caressent de manière circulaire le hublot de verre.
L’eau est à 40° et les chaussettes sont en viscose.
La vie d’adulte est une tempête que personne ne voit venir.
Elle arrive du jour au lendemain, sans que personnes ne s’en aperçoivent.
Elle déferle sans que personne ne soit prévenu.
Bouscule tout, range et dérange, questionne et devaste.
Elle est glaciale et hostile, brusque et sans raison.
Elle classe et déclasse, efface et organise.
Elle cloisonne et enferme.
Elle rembobine la mémoire et puise abondamment dans le vécu.
Elle joue les bourreaux, use du souvenir comme on use de la torture.
Nous prive de la madeleine, et nous laisse seulement l’odeur.
Elle rend impossible le retour en arrière et jubile du regret.
Elle fracasse et fait peur.
Elle nous arrache avec la force de son courant.
Nous mène à la dérive.
Elle est fourbe et vicelarde.
Elle sectionne le lien de l’enfance avec brutalité, largue l’adolescence avec non-chalance.
Elle étouffe les contestations et joue les inconnues.
Quand la cliente apprend qu’il n’y a plus de boots Nygel en 38.
J’aimerai me retrouver de nouveau dans l’endroit où maintenant seul les souvenirs peuvent m’y emmener.
Revivre un jour, un des nombreux matins où je montais les quelques marches, 4 à 4 avant de pousser la grille en fer rouge. L’endroit où nous récitions les poésies debout sur l’estrade en bois, le regard au loin au travers de la fenêtre. Les yeux fixés sur le lampadaire éteint de la rue de la Poissonnerie, concentré à réciter nos vers.
Me retrouver de nouveau dans la cours de l’école intérieure où triomphe encore protecteurs et impériaux les platanes centenaires. Shooter de nouveau les billes, accroupit autour des paillassons et des plaques d’égout. Entendre de nouveau la cloche résonner dans l’espace clos de la cours de récrée. Revoir de nouveau la panda blanche de mon père à travers les grilles rouges et rouillées de la terrasse scolaire. De redescendre 4 à 4 les quelques marches. De dévorer de nouveau le pain au chocolat qui aurait été posé sur le tas de paperasse (Tas de paperasse composé de ticket de caisse, de serviette, de journaux, de facture et de publicité en tout genre, paperasse qui faisait partie intégrante de la panda de mon père). Me faire engueuler pour les miettes que je mettrai partout. M’arrêter de nouveau au feu de la poste en écoutant Radio Classique.
PLONGE DANS LE SOUVENIR PAR L’ODEUR DU PRODUIT CHIMIQUE.
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