Errances

J’aime bien les couvertures des vieux livres de science-fiction. Je viens de recevoir La vérité avant-dernière de Philip K. Dick, j’ai la couverture avec le robot militaire qui tient un arrosoir dans une plaine calme et paisible, je trouve ça mignon.

La science fiction offre des satisfactions particulières. Il est possible, lorsqu’on s’efforce de dépeindre la technologie future, de frapper moins loin. Si l’on vit assez longtemps après avoir écrit une certaine histoire, on peut avoir le plaisir de découvrir que nos prédictions étaient justes et d’être acclamé comme une espèce de petit prophète.

Isaac Asimov – Extrait de l’introduction du livre Le Robot qui rêvait – 1986

Deux jours plus tard, Bianca Marv et son équipe de recherche commençaient à se remettre de leur brûlures. Ce court repos leur avait permis d’envisager différentes solutions au sujet de l’objet non-identifié qui les attendait avec la foreuse, à une centaine de mètres de profondeur, à trois-cent kilomètres de la station. Tout le monde avait en mémoire l’apparence de l’objet, cet étrange disque de métal sombre et strié. Leur équipement étant resté sur place ils n’avaient aucune trace photographique du disque et chacun ne voulait qu’une chose : étudier l’objet qui était la preuve formelle d’une ancienne forme de vie dotée d’intelligence. Mais pour cela, il fallait trouver un moyen d’y accéder sans risque. C’est au petit déjeuner du troisième jour que Bianca Marv considéra qu’il était temps de reprendre les opérations et de trouver une solution à ce problème. Elle n’eu pas besoin de convoquer son équipe, elle savait que tout le monde était présent chaque matin à la cellule-cafeteria, c’était le moment le plus agréable de leur journée, d’une banalité rassurante. Bianca ne se fit pas attendre et lorsque tout le monde eu son café en main elle commença : « D’abord, j’aimerais vous annoncer le soulagement sincère qui  m’a envahit lorsque j’ai su que tout le monde était sain et sauf. » Elle enchaîna sans attendre, elle savait que tout le monde avait conscience de l’enjeu des évènements récents.  » Je vais maintenant vous exposer mon plan pour ce qui est de l’objet. Tout le monde ici a hâte de l’étudier, moi la première. Mais il faut que nous agissions prudemment. Rien ne sert de se hâter même si certains représentants du CRIP pressent nos opérations. » Tout le monde était pendu à ses lèvres.  » La mise au point d’une technologie qui résistera aux radiations émises par l’objet mettra des années. En attendant, il faut que l’on puisse étudier l’objet à distance. Ma solution va nous permettre d’être sur le site radioactif, d’y effectuer des relevés, de manipuler l’objet et de l’analyser dans ses moindres détails, sans vraiment y être ».

C’était la deuxième fois que Bianca Marv rentrait dans une cellule anti-rad, le CRIP avait fait beaucoup de progrès pour ce qui était de la désirradiation depuis. Elle entra dans la première cabine, un nuage bleu épais se diffusa dans le petit espace qui fut rempli en quelques secondes. Elle appréhendait le résultat de l’analyse, elle savait qu’elle et toute son équipe avaient été exposé à un niveau critique de radiation. Le verdict du robot concernant sa combinaison la rassurait encore moins. Elle serait détruite dans les plus bref délais. Ses vêtements, eux, pouvaient encore être désirradiés, ce qui était plutôt encourageant. Lorsque l’analyse de son corps fut achevée, la voix apaisante de l’assistant vocal lui annonça le résultat :  » Votre combinaison a permis de protéger l’intégralité de votre constitution en atteignant les limites de ses propriétés protectrices. Une dizaine de minute d’exposition en plus vous aurait été fatale. Heureusement, vous vous en sortez à merveille, tout comme le reste de l’équipe. » Ce fut un soulagement énorme pour Bianca et ses collègues, qui assistaient au même résultat dans les autres cabines. Tous laissèrent échapper un cri de joie au même moment. L’assistant vocal repris : « Nous allons maintenant procéder à une désirradiation totale de la cellule. » Le gaz bleu fut évacué, et plusieurs jets puissants jaillirent des murs. Il s’agissait d’un liquide transparent et épais. Lorsque les corps nus des scientifiques en furent totalement recouvert, les cabines se mirent à chauffer et lorsque la bonne température fut atteinte, le liquide qui était devenu bleu après un certain temps s’évapora lentement, libérant leur corps. L’analyse au gaz bleu et était répétée jusqu’à ce que les radiations soit totalement disparues, et atteint une radiation nulle, on réitérait le procédé une fois encore. Cette technique de désirradiation était la plus rapide et la plus efficace. Elle était physiquement éprouvante car elle brûlait la surface cutanée, mais on préférait cela de loin à une mort de radiation.

Les radiations peuvent être contagieuse. Bianca et son équipe étaient rentrés se confiner dans la cellule-rad, placé à deux kilomètres de la station planétaires. Le protocole était clair.
D’abord, il fallait remettre son équipement au robot chargé du département; selon le niveau de radiation il était soit détruit, soit désirradié. Les robots qui s’occupaient de la cellule-rad n’étaient pas des Biobots pour des raisons évidentes, exposés constamment aux radiations leur chair se serait décomposé au bout de quelques jours. Ces machines étaient dotées d’une intelligence bien différente, plus pratique et dénuée d’émotion. Ils étaient très doué pour réagir dans des situations d’urgence, leur capacité d’analyse était des millions de fois plus élevée que la notre. Tant mieux, on ne pouvait se permettre d’avoir un Biobot au temps de réaction trop humain à ce poste.

C’est Bianca Marc qui fut la première à remarquer le dysfonctionnement des combinaisons. En rallumant son radiamètre, elle compris très vite. Le crépitement s’était stoppé à cause d’une radioactivité qui dépassait l’entendement. Elle s’empressa alors de prévenir son équipe et en quelques minutes tous les scientifiques avaient quitté le site de forage. Tout le monde connaissait le protocole, et comme chacun tenait à sa vie ils l’exécutait avec rigueur. Si leur exposition à l’objet enfoui avec été trop longue, ils perdraient la vie dans quelques semaines.

L’objet était un disque métallique sombre, gravé de nombreuses lignes circulaires très fines. À la vue de l’objet, on stoppa net la foreuse atomique. Bianca ordonna fermement à son équipe de s’éloigner le temps d’estimer la radioactivité de l’objet, car même si tous étaient équiper de la même combinaison antiradiations, il fallait s’attendre au pire. Chacune d’entre-elles était équipée d’un radiamètre, mais au fur et à mesure, les scientifiques, lassés du grésillement qu’il émettait constamment à cause du brouillard ionique, l’avaient tous désactivés. Lorsque chacun des membres de l’équipe se décida à le rallumer, rien, il n’émettaient plus aucun son. La foreuse avait elle aussi un outil de mesure, un objet plus sophistiqué et précis qui avait cessé d’émettre du son depuis environ vingt mètres de profondeur. Ce changement fut assez brutal, passant d’une radioactivité très forte à plus rien, mais personne n’y fit attention. Tout le monde était trop occupé à scruter les caméras de la foreuse qui creusait verticalement une large galerie aménagée.

Puisqu’on ne trouvait rien sur la surface d’Atosk-2, on commença à la creuser. Des fouilles commencèrent, on remuait la terre à des endroits stratégiques, en se basant sur la géologie de la planète. Après quelques mois de recherche à des profondeurs variées, on fit une découverte surprenante. Un objet inconnu, artificiel, trouvé à une centaine de mètres de profondeur. Lorsque l’équipe de Bianca Marv fit cette trouvaille, cela remit en question la totalité des recherches sur la planète qui semblait être inhabitée depuis toujours

Les illuminés d’Iya étaient constitués d’un petit groupe de scientifiques qui avaient pour objectif de préserver la liberté créative de leurs recherches. Ils étaient convaincus que les rapports officiels étaient basés sur des données biaisées, fabriquées par les grandes entreprises afin de satisfaire leurs actionnaires. Ils affirmaient que ces rapports étaient le résultat d’une interprétation des données qui était loin d’être parfaite.
Les illuminés d’Iya ont également affirmé qu’Atosk-2 avait été visité par une mission scientifique. Une mission qui ne faisait pas partie du rapport. Cette mission avait été confiée à un scientifique, un homme qui faisait partie de la communauté scientifique depuis ses études. Un homme qui s’était fait un nom dans le domaine de la génétique, le professeur Ophu. Le professeur Ophu avait disparu sans laisser de trace après son expédition sur Atosk-2.
On disait qu’il était obsédé par cette planète. Il voulait aller au fond de ce mystère. Tellement qu’il a fait la même erreur que tous les autres chercheurs. Il avait ignoré les avertissements des experts. Comme eux, il n’a pas pu résister à la tentation d’aller sur Atosk-2.
Au début, le rapport du CRIP avait été une énorme déception pour lui. Pour être convaincu, il devait s’y rendre. Malheureusement, le règlement de la CRIP lui interdisait de le faire. C’est pourquoi il est allé à l’encontre du protocole et a organisé sa propre expédition.
Le professeur et son équipe avaient atterri dans une des vallées des montagnes qui entouraient le brouillard ionique. A travers le brouillard, ils avaient vu les silhouettes de ces étranges créatures. Les formes semblaient se fondre dans le sol à cause de leur façon de marcher. C’était comme si elles s’enfonçaient dans le sol d’où elles émergeaient de temps en temps.
L’équipe a été fascinée par ces créatures. Elle a décidé de les observer à distance. Ils étaient fascinés par leur façon de marcher, leur façon de courir, leur façon de se battre, leur façon de vivre… Ils avaient apporté une caméra avec eux afin de filmer leurs mouvements.
Mais les créatures les avaient remarquées. Elles n’ont pas réagi de manière hostile. Elles s’étaient seulement enfuies. Jusque là, tout s’était étonnamment bien passé. Mais un jour, une créature a surgi de nulle part devant eux. Cela a été un véritable choc. Le professeur a été le premier à réagir, il a essayé de s’approcher de la créature pour entrer en contact avec elle. Il avait fait quelques pas vers elle quand la créature s’est mise à hurler. Un cri qui était devenu insupportable. Le professeur est tombé sur le sol. Ses derniers mots ont été : « Vous entendez ça ? Qu’est-ce que c’est ? »
Les créatures les avaient entourés. Quelques secondes plus tard, l’équipe s’est retrouvée entourée par ces créatures. Mais cette fois, au lieu de s’enfuir, elles avaient attaqué l’équipe. Ils avaient essayé de se défendre mais c’était impossible. Les créatures ont brisé leur équipement. Et puis le corps du professeur a été déchiré en morceaux.
Un des chercheurs a réussi à s’échapper. Il a tout raconté aux scientifiques du CRIP. Et le rapport du CRIP était le résultat de leur analyse des données.
Après cela, personne n’a plus jamais entendu parler du Professeur Ophu. Il avait disparu sans laisser de trace. On pourrait penser qu’il était mort. Mais son équipe avait été tuée. Et puis, que lui était-il arrivé après cela ?
Ces questions étaient la raison pour laquelle les illuminés d’Iya avaient décidé d’organiser leur propre mission sur Atosk-2.

Si on avait réussi à synthétiser de la chaire pour les Biobots, on était aussi parvenu à créer de la viande artificielle. Les élevages de vrais animaux existaient toujours, mais de nouvelles lois tendaient vers leur extinction. Ces nouvelles viandes suscitaient bien des interrogations car leur composition était parfaitement identique à celle une viande de la meilleure des qualités. Le goût, la texture, tout y était, jusqu’aux saveurs les plus subtiles. On en trouvait de toutes les sortes, il y en avait tant que vous n’auriez su quoi choisir. Et le meilleur dans tout ça, c’est que le prix était bien moins élevé que celui de la vraie viande. Quand on ne connaissait pas la méthode de production, ce qui était le cas de pratiquement tout le monde, on pouvait croire à de la magie noire. Cette révolution avait été rendue possible par la firme Biôme, qui collaborait avec BlueBrain pour la création des premiers Biobots. Les chercheurs de chez Biôme trouvèrent le moyen de créer de la chaire à partir d’ADN et de ridicules échantillons d’individus. Lorsque le journaliste Rahim Akhii révéla leur méthode dans son reportage « La fabrique à chaire », tout le monde compris l’avancée monumentale que cela représentait pour l’humanité.

Aujourd’hui nous partons faire des relevés sédimentaires dans une nouvelle zone encore inexplorée, l’objectif est de l’ajouter à la carte et d’y prélever tout ce qui peut paraître intéressant. Nous partons à l’heure où je vous parle_

Nous venons d’arriver sur le site d’expédition, la zone présente un brouillard ionique légèrement plus dense que d’habitude, nous nous apprêtons à faire les premiers relevés_

Nous avons épluché toute le périmètre, rien de particulier à signaler si ce n’est la densité du brouillard, nous rentrons à la station planétaire_

J’ai vu quelque chose sur le chemin du retour, lorsque je conduisais. J’ai toujours peur d’avoir oublié quelque chose sur le camp de départ, alors j’y jette un coup d’œil dans le rétroviseur, c’est devenu une habitude. On oublie jamais rien, et cette habitude c’était avérée inutile jusqu’à maintenant. Cette fois-ci, j’ai cru y voir une silhouette humaine. J’ai recompté mes coéquipier, nous étions au complet. J’ai jeté un second coup d’œil au rétroviseur, plus rien. J’en ai parlé au médecin de la station. Elle m’a dit que ces apparitions étaient certainement liées au deuil de ma sœur disparue. Je ne sais pas si j’aurais dû venir ici, tous ces tests pour prouver mon état psychologique avant le départ ont peut être raté quelque chose_

Le braquage de l’épicerie c’était déroulé comme prévu. Jake Wiggins dit « La Cravache » sortit en fracas de la modeste échoppe, revolver à la main, pointant le moindre geste. Dans l’autre, un sac remplit du contenu de la caisse. Il n’en était pas à son premier coup, opérant toujours seul, il allait de ville en villages braquer les petits commerces. Sa gueule monstrueuse fit une grimace grotesque pour appeler son cheval en hurlant un court charabia inintelligible. Un vieux cheval de trait immonde surgit de l’ombre du saloon pour le rejoindre. Wiggins prit son élan, sauta et tomba grossièrement sous les énormes sabots du canasson. En un rien de temps son crâne fut réduit en bouillit sans même qu’il n’ai pu émettre un son. Le cheval continuait de se cabrer en retombant violemment sur le corps de sa victime qui n’était plus qu’un amas de chair désorganisé.

Cette histoire avait tant marqué les habitants d’Elder Stone qu’elle se transmettait de génération en génération. Jusqu’à ce qu’un livre intitulé « La Cravache » sorte en 1971, relatant la vie de Jake Wiggins et sa triste fin. Aujourd’hui dans le journal du dimanche on parle de l’adaptation au cinéma de « La Cravache », un très bon film à ce qu’il y parait. Vous pensez qu’il serait fier d’avoir traversé les âges juste parce qu’il s’est fait réduire en charpie par son cheval ?

C’est ce que je me demande à chaque fois que je regarde les étoiles…