brique rouge
cité minière, chez papa
plaque après plaque
griffes sur griffes
que reste-t-il?
après la chaleur du lit
et le café le matin
les plaques se font et se défont
c’est un cycle
où les incisions
sont parfaitement menées
le cycle se poursuit lors du sommeil
labyrinthe insolvable
je reste clémente
mais j’aimerais que ce motif s’en aille
épouvantable mélasse boueuse
je saute à pieds joints
dans les flaques noires
c’est dans le sommeil
que mes pieds restent coincés
dans la mélasse noire
après y avoir sauté en entière
mon corps se perd
est engloutit
tout entier
C’etait pas l’année dernière
c’était pas à Marienbad
comment voulez-vous que je m’en rappelle
à force de l’attendre
je ne savais plus qui l’ attendait
Le temps est un traître de cape et d’épée
qui vous glisse sa poudre d’oubli
dans votre coca
Faudrait pouvoir choisir son film
je n’avais plus qu’à me barricader
dans la petite maison
près du lac
avec le canoë rose, à deux places
qui flotterait, comme ça
pour personne
Viktor Lazlo, Canoë Rose
j’arrive toujours à l’heure
en avance
dix minutes
dit ma montre
souvent il y a des escaliers à monter
puis
je dois m’installer, comme les autres
alors je m’installe, je me déshabille
je crée ma place
la lumière s’éteint
et puis elle arrive, ou il arrive
je ne sais pas bien, je ne sais plus
le projecteur est allumé
noir complet
et elle s’approche
ou il s’approche je ne sais pas putain
elle essaie de m’étrangler
ou il essaie de m’étrangler
je ne sais pas qui c’est
je n’ai qu’une envie
que ça s’arrête
je n’ai rien demandé
je n’ai rien dit
je n’ai rien fait
mais ils sont là
ils.sont.là
qu’ils aillent se faire foutre
durant tout le sommeil
inonde mes pensées
comme un poignard transperce la chair
réveil immonde
impression d’avoir vu
la plus grande fleur assassine
est-ce que pour ?
claquant des mains
stigmates contre poitrine
de la paupière est extraite ma peur
et coule le long de ma haine
une larme brûlante
ne pas fléchir
face à la puanteur, à l’infection
« tu l’entends dans ta gorge mais
personne ne l’a parlé autour de toi
tu entends en même temps les
voix haut perchées des femmes
entre les deux tu n’as pas su choisir
tu as cherché ton chemin de l’un à
l’autre et puis tu es partie
cela a formé une pâte grumeleuse dans
la bouche, avec des dissonances, des fausses
notes qui font mal aux oreilles
___ une voix qui mue et n’arrête
pas de muer et cela s’est répété à
l’identique quand tu es partie »
Camille Loivier, une voix qui mue
tu l’entends
mais personne autour ne l’entend
[l’écho]
les voix haut perchées, tu les entends
de trop près
tu n’as pas su choisir
la voix à écouter
Quelquefois tout prend un goût mauve-amer
La vision d’un rouge gorge
Réjouissance et tristesse à la fois
Tu l’as vue? C’était elle non?
J’ai cru sentir son parfum
Tant pis, on se recroisera
Lors d’un énième rêve
Le rêve de l’étreinte, le plus soigné
Goût mauve quand j’ai oublié sa voix
Goût mauve quand j’aimerais lui téléphoner avec le téléphone fixe
Goût mauve quand je cherche l’odeur de la salle à manger
Goût mauve quand j’achète un bouquet qu’elle ne peut pas voir
Goût mauve quand j’ai cru la voir au volant d’une voiture
Goût mauve quand je passe devant l’oiseau bleu
Arrière goût amer quand je ne m’en souviens pas
“Elles disent, malédiction, c’est par la ruse qu’il t’a chassée du paradis de la terre, en rampant il s’est insinué auprès de toi, il t’a dérobé la passion de connaître dont il est écrit qu’elle a les ailes de l’aigle les yeux de la chouette les pieds du dragon. Il t’a faite esclave par la ruse, toi qui as été grande forte vaillante. Il t’a dérobé ton savoir, il a fermé ta mémoire à ce que tu as été, il a fait de toi celle qui n’est pas celle qui ne parle pas celle qui ne possède pas celle qui n’écrit pas, il a fait de toi une créature vile et déchue, il t’a bâillonnée abusée trompée. Usant de stratagèmes, il a fermé ton entendement, il a tissé autour de toi un long texte de défaites qu’il a baptisées nécessaires à ton bien-être, à ta nature. Il a inventé ton histoire. Mais le temps vient où tu écrases le serpent sous ton pied, le temps vient où tu peux crier, dressée, pleine d’ardeur et de courage, le paradis est à l’ombre des épées.”
Monique Wittig, Les Guérillères, 1969
L’oeil s’ouvre en direction du tambour
Elle pense à la suite des répétitions
La gifle vient interrompre l’observation
La conscience vient de lui asséner
L’image en restera là
Pour la suite il suffit simplement de respirer
Alliées muettes pour amours interdits
Enveloppes trop lourdes
Souffles étranglés
Le froid l’alourdit
Allongez-la ici
Laissez-la
Le jour a tout enseveli
Lundi saigne et dimanche disparaît
Chaud froid chaud froid chaud froid
Arrive comme une trahison aux moi(s) d’avant
Vient tout foutre en l’air
Froid, nord
Paysage empreinte, nauséabond
Désertification industrielle
Encore une journée
De porte à porte
Chez des client.es inintéressant.es
Son âme entière est gelée
Depuis l’hiver 1973
Si j’avais pu
J’aurais pris soin
Des plaies ouvertes
Des chagrins caustiques
Des questions sur le départ
Je les aurais attrapées
Enfermées dans une boîte
Que j’aurais cachée
Silence
Et si vraiment,
La boîte eût été trop brûlante
Démangeaison
Je l’aurais récupéré,
Soigneusement ouverte
Pour t’offrir les derniers doutes
Les violents coups à l’égo
Cet hiver Dolorès a beaucoup pleuré. Beaucoup plus qu’à l’hiver d’avant. Alors pour la consoler, j’ai cherché. Quelle plante, quelle film, quelle tisane, quelle pierre aurait bien pu faire taire son chagrin. Je n’y arrivais pas, alors je l’ai emmené, sur un coup de tête dans la forêt, pour qu’elle tente de respirer. On a même observé les étoiles et vu un renardeau.
Quand ce fut l’été, elle a disparu, c’est peut-être Inès qui l’a remplacé.
Vaste étendue verdoyante
Tout est là, devant l’estomac
Pêches, framboises, fraises
Groseilles, melons et cassis
Choix important
La main hésite, pourtant les sens désirent
La faim elle, n’est pas
Elle a été contentée il y a peu
Si la raison l’emporte
L’estomac se contentera d’un petit fruit
D’une petite baie
Oui, d’une petite baie un peu acide
Histoire de ne pas gâcher
Jardin débordant
Fruit particulièrement dangereux
Lorsque le fruit est croqué
Diffusé par la salive, la mélatonine
Écorcher l’objet climactérique
L’écorcher tout simplement
Tout enlever en une seule fois
Ou le faire à d’autres moments
Être soigneusement découpé
Placé dans une coupelle
De céramique ou de marbre
Il fait son effet
Un cercle tracé autour du timbre. Le vélo dans l’arrière cour. Ils sont arrivés, sans encombre.
La nappe est sortie. Plus que trois étages à monter. Trois petits étages à monter.
L’odeur du plat qui s’est diffusé dans tout l’immeuble annule la pénibilité du parcours.
Bruit de sonnerie. Ascenseur? Non, c’est bientôt la fin.
Corps et âme ont été usés pour nourrir toutes les bouches, pour nourrir les petits.
Plantée au mur
Soumise à mon regard
Elle existe, seule, par elle-même
Comme auto-suffisante
Symbole d’une minute
Une minute généreuse
Genèse d’un souvenir en mutation
Encadrée parmi la vie quotidienne
Cooper Black
Elle a été portée par ces mains
Elle a été donnée
Souvenir précieux
Chéri parmi les autres
Puis il y a ces angoisses qui surgissent, peur de mal dormir et d’avoir le cou tordu, peur des microbes, peur de manquer de tout, tout le temps. Jusque quand ça va durer ? Elles seront toujours là ? Elles prennent beaucoup trop de place. Comment on les congédie ? Par le yoga, la méditation ? Oui, mais encore. Et on fait comment pour les désirs des autres ? Et alors je fixe la porte de sortie, l’avis d’impôt, l’heure sur le cadran électrique du four, je bois de l’eau, je parle en regardant le pilea, et je fixe droit dans les yeux lorsque l’on me parle.
Aiguille moqueuse
Son du temps qui passe
Accroît l’angoisse
Rouge du bout des doigts
Froid infrarouge
Organisme vibratoire
Idées
Tordues, troubles
J’ai froid
J’attends
La chaleur est accablante dans les tréfonds
On ne distingue plus rien ni personne
On entend uniquement les sons des respirations
Ils halètent, ils suffoquent, ils crient en silence
Flou
Sombre
Gras
Perdu
Ils s’essuient le front et ne voient rien
Ils creusent sans s’arrêter
Ils creusent pour la chaleur
J’ai envie de rendre les coups
D’imposer mon pas à la place du tien
J’ai envie de jouer des coudes
D’inquiéter tes séides à la place des miennes
Gare à toi
Si le vent
Tourne sur lui-même
Qu’est-ce que tu fais encore là?
À ça tu réponds quoi?
Si le vent tourne sur lui-même
Je prie pour qu’il t’emporte
Je prie
Je prie
Je prie
Au bout de l’angoisse,
se trouvait le corps latent
Élancé étranger,
sans hâte du jugement
Partenaire dysmorphique,
élan sentiment
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