Errances

La ville est un grand dortoir endormi

Et à 4h du matin, c’est paisible et réconfortant

Les feuilles des arbres frétillent en rêves et dans le vent glacé

Et même les oiseaux n’ont pas encore pris leur café

Ils y a seulement quelques rebelles dont la fenêtre brille, on peut les voir par la vitre ils terminent une conversation avant d’aller se conformer à l’ambiance générale

Le souffle du froid est bien réveillé, et il trotte dans les rues en cherchant des vestes ouvertes à pénétrer, allié au moindre bruit, qui résonne et cherche une oreille tendue pour l’entendre, un sang disposé à se glacer 

Après une heure et vingt minutes de discussion avec mon père, j’ai enfin trouvé la réponse que j’avais envie d’imaginer à ma question : pourquoi les roches ne se reproduisent-elles pas comme les animaux ou végétaux ?

Outre les questions de composition quantique, atomique et moléculaire, ce que j’avais besoin de me dire, c’est qu’on est trop buté.es et que notre science est trop peu évoluée pour appréhender leur vie. Les roches ont une évolution, une vie même, mais qui s’étend sur des millions d’années, et tout comme il nous est difficile de contempler l’évolution de certains arbres vivants pendant plusieurs siècles, on ne peut pas comprendre la vie potentielle des roches et minéraux, leur moyen d’exister et de communiquer. J’aime beaucoup me dire ça, qu’il reste des choses hors de notre portée et pourtant si proches de nous.

Je rêve d’idées d’histoires dans mon sommeil. Je ne dis pas que j’ai toutes mes idées en rêvant, mais c’est ainsi que certaines d’entre elles me viennent. Par exemple, j’écris une histoire, et tout d’un coup je m’aperçois que je ne sais pas ce qui doit venir après – vous voyez que quand je commence une histoire, je n’en connais pas encore la fin… Juste une notion et quelque chose que je trouve stimulant. Je me forme une image qui m’intéresse et je passe à l’écriture. Mais je ne sais pas du tout quelles seront les étapes suivantes. Sur ce je vais dormir, et je n’arrête pas de me réveiller, en pensant « Maintenant, j’aimerais bien un petit coup de pouce ». Ensuite, même en me disant ça, je m’endors. Et je me réveille encore, et je n’arrête pas, en poursuivant cette même pensée. Si je n’y arrive pas, je dors toute la nuit, et le jour d’après je tourne en rond avec mes idées. En général, en rêve, ou vers dix heures du matin, soudain une idée survient, quelque chose qui en un sens ne débouchera sur rien, mais qui sera né de l’histoire. C’est comme ça que me sont venues mes histoires les plus originales ; grâce à ces idées, toutes les dix pages l’histoire prenait une nouvelle direction.

Reflections of A. E. Van Gogt, Lakemont, Fictioneer Books, 1975, p. 78-79

Si je pense fort à quelque chose, ça va me travailler toute la nuit. Peut-être pas aussi bien ni de manière aussi perfectionnée que Van Gogt, mais un peu quand même.
Alors je sais que je devrais plutôt chercher à rêver de la suite de mon mémoire, mais tout ce dont j’ai envie depuis des mois, c’est de voir une nouvelle couleur. Quelque chose de différent, et même si je ne la voit pas visuellement, au moins la sentir. Sous mes doigt, sur ma langue ou sentir son odeur, en rêve il n’y a pas de distinction. Je me languis simplement de connaitre quelque chose de nouveau qui chamboule mes certitudes, même si a mon réveil il n’en restera qu’un vague souvenir indescriptible.
Et tous les soirs, je m’endors en pensant à quelque chose qui n’existe pas encore

Les problèmes auxquels il m’arrive de penser le jour je les retrouve toujours la nuit, sans pour autant qu’ils y trouvent une solution

J’ai fait plein de pauses clopes avec R. Je lui demandais vraiment tout le temps. La journée n’en finissait pas, et s’était composée uniquement de pauses clopes, sans pour autant que je ressente même une fois le goût de la cigarette sur mes lèvres. Je crois que l’idée d’arrêter de fumer en novembre vient me tourmenter jusque dans mes rêves

Il y a un vide
Pas un vide négatif hein, plutôt un de ceux qui aident à se rappeler
Un de ceux qui laissent la place aux souvenirs d’exister et aux rêves de prendre forme
C’est un vide qui sait pas trop comment s’orienter, et qui me dit qu’il vaudrait mieux que je dorme

En gros cette nuit j’ai rêvé de ça, c’était plus organisé en vrai mais c’est tout ce dont j’arrive à me rappeler

J’ai eu envie de pleurer un coup, toute la journée, pour évacuer, mais pour une fois j’y arrive pas

C’est jamais au bon moment les sentiments

L’automne c’est une des saisons que je préfère

Le vent a l’air incontrôlable, et remue ciel et terre, on dirait que c’est la saison où on est capable de faire changer des choses

Le ciel prend une couleur post apocalyptique alors je suis surprise d’y survivre à chaque fois

J’me sens toute petite et super forte en même temps, comme si ça me donnait des super pouvoirs

Mais c’est peut-être juste parce que c’est la période de mon anniversaire

Iel a les pieds sur terre et dans les airs et c’est beau

(On sait pas trop où se mettre pour essayer de lae suivre)

Je me suis encore disputée avec mon moi du futur.

Pourtant je croyais que c’était réglé, je m’entend beaucoup mieux avec, en tout cas avec celui de demain ! Je fais la vaisselle le soir, pour pas qu’il m’en veuille, je travaille au maximum chaque jour pour qu’il ai moins à faire le lendemain, et je fais tout le ménage dès qu’il y en a pour pas que ça retombe sur lui.

Et ça marche bien, tous les matins je suis super contente que mon moi d’hier ai fait tout ça, et je suis trop soulagée, je le remercie et j’essaie de faire de même pour le moi du lendemain suivant, pour qu’il ressente la même chose.

Mais au niveau de la prise de décision, c’est une autre histoire.

Mon moi du jour hésite toujours trop longtemps, et a peur que la décision finale ne plaise pas au moi du futur, du coup il en prend pas. Et ça retombe sur le moi du lendemain, qui en veut à celui de la veille, et ainsi de suite. Mais finalement même quand le moi d’hier a pris une décision, le moi de d’aujourd’hui la remet en question, il a peur que ça ne soit pas la bonne pour le moi du futur lointain. Et c’est vrai que celui là, il est rarement content de rien, il est pas mécontent non plus parce qu’il a plus trop le choix, mais il se demande si le moi du passé lointain aurait pas mieux fait de prendre une autre décision.

Et là j’ai un bon gros dilemme, et mon moi du futur m’engueule quelque soit la décision que j’ai envie de prendre. Sans parler de mon moi d’aujourd’hui qui aime pas du tout écouter ce qu’on lui dit de faire, et qui n’en fait qu’à sa tête. Heureusement que le moi du lendemain est souvent là pour rattraper ses conneries. Mais je sais que lui aussi a bien envie d’être un moi d’aujourd’hui, et d’écouter celui d’hier…

Donc à chaque fois je finis par faire confiance à mon moi de la nuit, en espérant que mon moi du lendemain saura interpréter les rêves qu’il lui transmet, même si il le fait un peu comme ça le chante et comme ça l’arrange.

J’ai encore reçu la visite de cet oiseau. Il me rappelle une histoire contée par Pierre Gripari que j’aimais beaucoup enfant, Pouic le merle. Il était déjà venu il y a quelques semaines. Nous nous étions plutôt bien entendus, nous avions beaucoup discuté et appris à nous connaitre. A première vue je l’avais trouvé adorable et très attendrissant. C’était un personnage poétique mais aussi colérique. Au bout d’un moment il avait fichu un beau bazar dans mon appartement, virevoltant et renversant tout sur son passage. Quel n’était pas mon mécontentement en le retrouvant alors sur le rebord de ma fenêtre cette nuit là. Et cette fois encore, je me suis réveillée avec un goût de fiente dans la bouche. Et ce qui m’inquiète le plus c’est de savoir avec certitude que c’est le goût de la fiente.

mon intérieur résonne comme si j’avais toujours manqué d’espace
je sais que mes rêves à venir seront paisibles

Le livre de broderie dont j’avais besoin était emprunté, je lui ai dit qu’il fallait absolument me l’envoyer en Écosse car j’en avais besoin pour utiliser la laine des moutons. Si je voulais le lire c’était pour broder sur eux, pour habiller avec fantaisie ces moutons. En me réveillant je me suis d’abord dit que c’était absurde de vouloir ce livre à tout prix, puis je me suis rappelé que je ne brodais pas, que je ne le ferais surtout pas sur des moutons et que je n’étais pas non plus en Écosse. Je me suis rendormie.

La nuit il y a comme un embrun terrestre qui s’infiltre par les fenêtres ouvertes et enivre les éveillé·es. Pas les alcoolisé·s, celleux-là n’ont plus l’odorat assez sensible, mais les autres, celleux qui sont à l’affût des moindres bruits, mouvements ou changements d’atmosphère. Embrun terrestre définit bien ce ressenti, c’est un fumet rafraîchissant, qui rappelle celui de la terre fraîchement battue, ou d’un trou creusé après la pluie. L’odeur arrive à partir de 1h ou 2h, et parfois reste présente jusqu’au matin. Elle emmène celleux qui la ressentent avec elle, entre veille et éveil. Comme si elle offrait un peu de douceur et de réconfort à celleux qui ne trouvent pas le sommeil, comme pour leur dire «c’est pas grave, tu ne rates rien, c’est bon aussi d’échapper aux songes.»

J’aime croire que la pluie de météorites qui s’est abattue sur la terre au temps des dinosaures a réduit son diamètre, et donc sa surface. Comme un sol foulé encore et encore dont la terre se serait tassée, réduisant la distance qui sépare le noyau de l’extérieur . Si cela n’avait pas eu lieu, peut-être aurions nous été géant·es. Le reste aussi l’aurais été bien sûr. On ne s’en serait pas rendu compte. Mais vu que la surface s’est amoindri, les habitant·es terrestres aussi se sont adapté·es, pour qu’il y ait de la place et que les populations cohabitent à une échelle convenable.

Mais alors s’il existe une autre planète apte à la vie, et que celle-ci a sa taille d’origine, les êtres qui la peuplent serait-iels beaucoup plus grand·es?

Je me suis souvenue que j’ai tué quelqu’un·e. Enfin je suis plus trop sure mais ce qui est certain c’est que je me suis retrouvée avec un cadavre sur les bras. En me réveillant j’avais tout oublié mais ça je m’en suis rappelée, avec l’impression que l’histoire était beaucoup plus complexe.

Et en regardant par la fenêtre je me suis dit qu’il y avait eu cette même nuit un crime dans le monde des sacs de plâtre, que l’un·e d’eux·elles ou plusieur·es avaient dû percer, perforer, secouer, assassiner, un·e autre, puis trainer ses restes jusqu’au garage pour les faire disparaitre. Ce qui est sûr c’est que mon meurtre imaginaire était bien plus discret.

Cette nuit j’ai suivi le·a chat·te. Iel était pas très loquace, et avec sa voix cassée ses miaulement étaient plutôt des chuchotements. On s’est un peu promené·es dans la rue, iel m’a fait faire des tours, des détours et des caresses. Puis je me suis assise à ses côtés et on a regardé à tour de rôle une porte d’immeuble, les gens ivres qui passaient, et la grosse araignée qui longeait le mur. Après un moment je suis rentrée, je lui ai dit à la prochaine. Iel attend souvent sous ma fenêtre la nuit, et quand je n’arrive pas à dormir je le·a rejoint. Je suis toujours contente de l’accompagner dans sa balade car j’ai peur d’y aller seule.

J’ai appris le mot trogne
Les images me rendent assez triste, elles mettent en évidence les cruelles manies humaines

Mais finalement une forme de beauté s’en dégage car c’est un renouveau, et l’arbre s’extirpe de son malheur pour se hisser vers le ciel
Peut-être la prochaine fois sera-t-iel hors d’atteinte

J’ai croisé S. Elle était avec P.S., avec leurs sacs à dos, iels rentraient d’Albanie

C’était au bout de la passerelle Odorico, du côté de la rue de Léon, juste en haut des marches

Je lui ai demandé si c’était bien, elle m’a répondu qu’elle viendrai cet après-midi

En me réveillant je me suis rappelée qu’elle n’était pas encore rentrée

Le train est pressé d’arriver. Les oiseaux qui s’envolent sur son passage ressemblent à des points de suspension dans le ciel.

À travers l’écran de mon téléphone, les images défilent comme un flipbook bas de gamme.

J’accompagne M. changer ses écouteurs qui ne marchent plus, mais elle n’a pas sa carte d’identité alors je montre celle de T., et également son passeport (ses photos sont amusantes, elle les as prises sous son menton). La gentille dame arrange quelque chose pour ne pas avoir à payer, mais c’est au nom de T. alors si on veut être remboursé c’est fichu.

M. me ramène à la maison en moto. Une fois arrivée, on s’enferme dans la chambre, on regarde ses dessins de vacances, dans son cahier il y en a des vieux et des plus récents.

Puis M. devient R. et elle mange mon chien, je m’échappe par le balcon, elle me voit, course poursuite comme toujours d’une chambre à l’autre. Puis j’arrive en minibus pour visiter la maison (splendide, très lumineuse même sous la pluie) de N.F. qui est habillé comme Geneviève de Fontenay. On est un petit groupe de cinq et il pleut averse dehors. La table est immense et on se met au travail, quand je relève la tête je suis à un mariage, je ne connais personne mais il faut mettre de la crème solaire car le soleil tape très fort. Les gens ne sont pas très gentils, je demande de l’aide pour faire mon nœud de cravate car j’ai un bras en moins et que ma cravate est un peu brûlée au bout (le nœud est très compliqué à réaliser, il y a vingts étapes environ) mais finalement je me retrouve à le faire seule. Je fais apparemment parti d’un ménage à trois mais je les déteste toustes les deux, iels me tiennent les mains mais j’ai envie de m’enfuir, je me réveille en ayant peur de mes cils qui papillonnent, j’ai cru que c’était une ÉNORME araignée !

         des images dont je me souviens du carnet