elle est douce comme une tarte au citron après une rude journée
sa résilience est une montagne
elle perd un peu ses yeux
et ses oreilles
se rend compte que sa tête va suivre
je lui ai dit : « tu as de belles mains »
elle a répondu : « oh, c’est gentil, mais je ne trouve pas, elles sont vieilles.
– oui, justement »
aujourd’hui j’ai commencé comme un roman
Daniel Pennac y dit : « c’est ainsi… on croit rentrer chez soi, et c’est en soi que l’on rentre »
et c’est tout à fait ça
si simple que ça semble bête :
on croit rentrer chez soi,
et c’est en soi que l’on rentre
je me demande quel est la frontière,
le point de non retour,
ou ma mère a engueulé pour la première fois son propre père
comme elle nous grondait
avant
si on avait écrit sur le mur
ou si on n’avait pas fini nos légumes
je me demande ce que ça lui fait
je vais voir mes parents, et pour économiser le bus est l’option la moins chère
sauf que là, on est le 18 décembre, tout le monde tousse dans ma rangée, et j’ai l’impression d’être dans un convoi de grippe aviaire ou une autre maladie affreuse
la fille a côté de moi s’est même créé une cabane d’écharpe pour vivre pleinement sa maladie dans son coin
j’ai peur
j’ai un peu repoussé l’écriture, parce qu’il fallait décompresser de la semaine intense qui vient de passer, et parce que mon ventre me troue trop pour réfléchir à d’autres choses.
mais même quand j’écris pas je m’enthousiasme à l’idée de le faire : on a marché un peu avec claude, murphy (!) & adl, et on a parlé d’errances
même quand c’est un non sujet on en parle
c’est dans un coin de la tête, comme une branche de lunette qui loge juste derrière l’oreille : on s’habitue à sa présence et on se rappelle que c’est là seulement lorsqu’un mouvement imprévu plaque le plastique lisse contre un nouvel endroit de peau
ça fait du bien d’avoir des relations où on fait que des bêtises
des exemples récents :
t. mets des chips dans mon pantalon et est plié que je ne m’en rende pas compte, après je marche en me secouant et ça fait un petit poucet de chips
claude fait un gag avec ses lunettes, les tenant d’avant en arrière pour faire grossir ses yeux, en faisant un bruit rigolo, du genre : « wain wainn »
adl se tient debout à l’angle d’une pièce, attendant que quelqu’un le trouve avec un sourire mal contenu
il y a deux ans, je m’enregistrais :
« est-ce que 18 ans, ça va être un anniversaire particulier ?
es-ce que la banque va m’envoyer un message ?
est-ce qui va se passer quelque chose de spécial?
j’ai pas l’impression. en plus on est dimanche. »
ça a piqué le visage de retomber sur ça, il fallait un peu se forcer à regarder
mais j’aime bien comparer, de temps en temps, avec les morceaux les moins édulcorés de moi, les plus embarrassants, les plus étrangers
d’habitude le 5 décembre est un moment un peu pivot, un moment ou je réfléchis, mais là j’ai pas le temps et je m’en fiche un peu
quelque chose se ferme vraiment, sans me brusquer
tout est plus simple
on va fêter mon anniversaire et j’ai l’impression d’être restée en août
écrire c’est un peu faire étalage sa vie :
les pensées classées comme des légumes,
« tenez, je vous en mets un peu plus, ça ira ? »
il y a 3 « je » dans chacun de mes posts, et c’est dur de s’en empêcher
est-ce que c’est un problème ?
est-ce que c’est repoussant ?
j’écris ce que je pense,
là par exemple j’ai un peu froid aux doigts parce qu’il fait 3 degrés et que je m’habille pareil que le mois dernier
et il y a rarement une fin à mes textes
ce soir les gens faisaient des bruits étranges en ville, au carrefour de st hélier et de l’avenue jean janvier
je ne sais pas si c’est la coupe du monde ou le froid
quelques heures après, un logement a brûlé là-bas
« always shifting shape
just when you think you have it figured out
something new begins to take »
ces derniers jours, j’ai confiance.
je me sens crédible en graphiste, crédible en amie, crédible en amoureuse et en passante
je ne me sens pas terrible en jardinière, ni en voisine, mais peu importe : tant pis pour les voisins, c’est pas pour eux que ça compte
j’ai eu besoin de repos ces derniers jours, alors j’ai pas écrit mais j’ai pas disparu pour autant
hier à emmaus j’ai trouvé des vêtements pour m’habiller en garçon, et une tasse avec inscrit « marie-caroline », parce que c’est si absurde que ça l’a rendue charmante
je suis beaucoup en colère ces temps-ci
parce que j’ai perdu mon collier
parce que j’ai des problèmes techniques
parce que les gens me parlent mal
sûrement parce que j’ai mal parlé d’abord
parce que ma frustration est salissante
même là j’écris avec la rage au corps
désolée pour les tessons de verre perdus
inconnu — madame * il s’arrête un instant* …euh…ah monsieur…
moi — …
inconnu — monsieur, je voulais vous demander si vous aviez une pièce
moi — euh, je crois pas, je vais regarder mais je suis pas sûre
inconnu — j’ai besoin d’un euro cinquante, c’est pour m’acheter du gruyère pour mettre sur mes pâtes
moi — tenez
inconnu — ah, merci beaucoup, merci beaucoup
moi — bon courage !
l’inconnu — que dieu vous bénisse
j’aime les cartes postales qui racontent des choses toutes bêtes
quand je sens qu’un conflit arrive je ferme les yeux : le déni est un peu ma technique de survie
j’arrive mieux à parler dans le noir, aussi
j’ai croisé des petites fenêtres éclairées comme un générique de michel ocelot
Jacques était super sur scène, et maintenant j’ai un peu mal au crâne et de l’alcool dans les jambes, mais ça fait longtemps que j’ai pas profité d’un concert comme celui-ci.
Je parle de Jacques comme si c’était un ami, mais c’est de sa faute, parce qu’il a choisi son prénom comme nom de scène.
à un moment, sans être dupe, j’ai demandé à mon amoureux si, lui aussi, des hommes le touchaient en passant : il était tout penaud quand je lui ai dit que c’était la deuxième fois qu’on me pressait de la main avec insistance
après, Jacques m’a fait un check et j’étais très contente d’être là, malgré les hommes qui font la fête et le demi-verre d’alcool renversé sur mes vêtements
j’écris en attendant Jacques, il y a un problème technique
j’ai deux hot dogs ikea dans le ventre, c’est une bonne journée
mon oreille enfle sans qu’on souffle dedans
ça fait un an que ça dure
j’oublierais presque que c’est présent …
mais – BAM : mes cris perçent les murs
j’ai voulu orner mon cartilage
ça impliquait de faire un petit trou dedans
et depuis ce jour, oh désespoir, oh rage
il se venge généreusement
l’enlever, c’est donner raison à mes parents
le garder c’est me faire du tort,
perdre du sang,
faire des efforts
J’EN PEUX PLUS !
j’ai dû changer ma posture de sommeil
ça fait un an que ça dure
ce piercing gâche tout, on m’embrasse plus pareil
je peux plus le voir en peinture
que quelqu’un me l’arrache, qu’on me libère du poids
de cet anneau du diable qui me ruine et me ruine
parce que si ça continue comme ça
je vais faire une van gogh au couteau de cuisine
claude m’a dessiné le plan de la piscine saint-georges
c’était bête mais ça m’a apaisé
aujourd’hui, je me suis rendormie quand il m’a convaincu que je devait attendre d’avoir moins mal pour me lever (c’était vrai), j’ai mordu ma langue comme si c’était une tartine, et j’ai nagé sur le dos : une petite grenouille qui se détache sur la mosaïque du fond de la piscine
j’ai aussi distribué la coriandre dont l’odeur m’écoeure encore un peu
c’est dangereux d’être une meuf, mais au moins j’ai développé des compétences uniques comme repérer les hommes dans le noir ou nettoyer super bien les tâches de sang
voilà une bonne grosse journée de merde
à part la lumière rien n’est beau
il n’y a pas grand-chose à dire de plus
c’est pas une redescente, c’est une dégringolade
tout d’un coup je me sens grotesque parmi mes vêtements
c’est la fuite
mes compétences sociales semblent réduites au bégaiement
j’oublie de dire au revoir
les panneaux dans les couloirs du métro paraissent bien trop jaune, agressifs comme un triangle de déviation
en plus, j’ai envie de pisser
j’ai manqué de peu le métro alors je dois attendre encore
mais je sais que tout va bien
c’est juste que
le soleil se couche super tôt même sur les belles journées
l’obscurité engloutit tout
elle me rends un peu bleue,
et surtout j’ai envie de pisser