aïlle ouïlle Grisouïlle putain
(elle ne sait pas que je passe ma vie à plonger mes mains dans le white spirit) (you heard of souffrir pour être belle ; qu’en est-il de souffrir pour être heureuse ?) (sérieux elle me mord les pieds) (on est où là)
Mais bon elle a une toute petite tête on lui pardonne.
Mon ami m’a répondu ! (C’est comme si, pour quelques lignes, je vous écrivais à vous toustes. J’aime beaucoup.)
« De mon côté, je crois que ça va mieux. Le tourbillon s’est encore accéléré, mais il ne souffle plus contre moi. Je l’embrasse et il m’emporte. Aujourd’hui je me tenais devant une fenêtre de l’école, il pleuvait sur le jardin, la tour de l’église du Thabor et la nuit qui tombait. Une amie s’est approchée, s’est tenue près de moi, avec presque une question aux coins des yeux, flottante comme une ébauche de sourire. Je me suis un peu tournée vers elle et je lui ai dit : « Je me demande si, plus tard, j’arriverai à être aussi bien que je le suis ici. Aussi heureuse. » Elle sourit, avec sa bouche et ses yeux. Elle répond qu’elle aussi, qu’il faut essayer, pourtant. Je sais. Je pose ma tête sur sa nuque, mes bras se rejoignent dans son dos, son menton se pose sur mon épaule. Je trouverai. »
Pas d’illuminations aujourd’hui. Je me pose les mauvaises questions et il y a un nœud dans l’estomac du monde.
J’ai fait un gâteau au yaourt et il est presque bon ; et tout est presque beau.
Juste un tout petit peu trop amer.
et mes mains se sentent plus seules qu’avant
parfois mes amis me font des bisous dans le cou
et c’est vraiment amical je vous assure
c’est rare et c’est tout doux
comme des papillonnements tranquilles
qui se contentent de tendresse
et qui oublient tout le reste –
alors un cou est juste un cou
pas plus important qu’une joue
juste le temps d’un petit bisou.
Mon nouvel ami a dit, en parlant de ses souvenirs avec son amoureux :
« Ça fait plein d’albums photo. J’ai l’impression d’avoir que ça. »
Nous avons de la chance d’avoir à découvrir des gens qui portent des histoires.
La tendresse déborde des yeux fuyants et je suis protégée par les conversations diffuses autour de moi. Je n’ai même pas peur qu’il revienne, qu’il me voie écrire.
Je ne connais pas de plus beau miracle.
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
Je voudrais passer ma vie à accompagner mes ami·e·s partout où iels auraient envie d’une main ou d’une voix pour les aider.
Il était 22h, j’ai cligné des yeux, maintenant c’est 22h40
Des phrases s’allongent en vers dans mon petit carnet noir, ça arrive doucement et bientôt ça sera prêt à rejoindre le langage ; un peu de patience encore, un peu de patience, c’est tout ce qu’il nous faut –
(et oublier cette HORReuR Louise POURQUOI avoir immortalisé ce trauma indicible) (quelqu’un s’y connaît en lavage de cerveau par ici) (au karcher de préférence) (merci de se manifester ASAP)
(il a un peu grogné au son du crayon sur la feuille)
J’ai pris un café avec Quentin
Je me suis endormie dans le bain
Et puis me voilà au théâtre
Je suis partie si loin que la lumière a changé
A disparu de la surface des murs
Je n’atteins plus le bout de mon lit et je suis étonnée par le soleil d’automne
Comme si j’avais oublié les attributs du monde avant la perte de l’enfance
Sous la pluie dans les rivières et au-dessus des courants
Peut-être subsiste-t-il un arbre que je reconnais
Dont le frémissement des feuilles m’aiderait à me rappeler
Doucement le monde de mon enfance s’est détaché de moi comme les feuilles mortes
Pour rejoindre d’autres visages
Éclairer d’autres rivières
Apporter à d’autres corps la douceur d’un avenir sans craintes
Et les aboiements des chiens
je vais manger au Club des Poètes avec une amie. Au lycée elle m’a enseigné le français, mais aussi la poésie, l’art, l’écriture, la position que je voulais adopter face au monde, face aux autres. Témoin inconsciente de mon premier amour (puis révélée, je lui ai tout dit dans un livre de poésies offert à la fin du lycée), guide inestimable dans la découverte de moi-même, bienveillance complice et oreille chaleureuse, ce soir je me lèverai pour lui dire un poème.
Peut-être aussi que j’arriverai enfin, sans cesser de la vouvoyer, à l’appeler par son prénom.
Il n’y a rien de trop et en même temps tout déborde.
La vitre me regarde avec une éloquence qui échappe aux paroles et je ne sais plus vraiment ce que je voulais dire. De l’autre côté, la forme des murs semble plus expressive, mille fois plus captivante, et je donnerais n’importe quoi pour pouvoir les toucher.
Je me cache derrière le mensonge des miroirs, mais en fait c’est l’espace entier qui m’avale, qui m’absorbe jusqu’à ce que je ne veuille plus rien connaître que les distances, les images, les superpositions des objets et des murs, des plantes et des collines, si je pouvais me fondre dans le décor je pense que ça me suffirait.
Quand il n’y a plus rien derrière l’horizon c’est qu’il faut dormir
Les images frappent trois coups derrière tes yeux et doucement ils se ferment
Ouvrières de l’invisible enregistrons le ressenti depuis les chambres du matin
Doucement ; lentement : ordonner le flou qui se débat pourtant
Qui s’enroule sur lui-même comme une carapace
Aplatis de tes pieds les pavés de la ville – surtout ne te perds pas
Quand le soleil revient c’est déjà fini
Quand le soleil revient on te rendra tes yeux
Trouve le courage de les ouvrir
(ça suffit maintenant)
Les formes tournent sur elles-mêmes derrière la fenêtre
Sur celle d’à côté on reflète le ciel gris tous les dimanche matin
Il y a beaucoup de choses qui me manquent mais surtout du calme
Une lumière chaude et jaune posée près d’un fauteuil et l’amour inconditionnel de mes parents
Ma tête remplie à ras-bords il faudra bien qu’elle se déverse
Est-ce qu’à la fin je pourrai en faire un livre
Est-ce qu’à la fin ça sera délicat
Doux caressant insidieux comme un chagrin d’amour
Comme le ciel gris qui se confond avec la mer grise qui grise les plaines
Est-ce que vous viendriez trembler au milieu ?
Mes ami·e·s ont vingt ans
Moi je ne sais pas
Les vaches apparaissent derrière la vitre du train comme un tableau instantané
Puis disparaissent à nouveau
Mes ami·e·s ont vingt ans
L’une d’elleux était ma professeure ; elle a plus vingt ans que les autres
Plus justement et plus profondément
Elle a vingt ans comme moi j’ai vingt ans quand je dis de la poésie devant mes ami·e·s
Qui ont vingt ans
Et qui pour certain·e·s n’aiment pas les poèmes
Nous avançons et nous laissons Rimbaud derrière nous
L’idéal de l’adolescent poète et de brûler sa vie
Ce qui est vraiment beau c’est la durée
Vous voyez je n’ai pas vingt ans moi
On ne dit pas ça
À vingt ans
Le beau c’est la durée qui se dissout dans le temps
Qui flotte au-dessus des rails du train
Rain steam and speed et toutes ces images brumeuses
(il faudrait vraiment que je dorme)
me réfugier chez mes parents c’est un peu fuir ; mais si vous connaissiez Math et Steph vous comprendriez pourquoi je cours vers elleux – de là-bas peut-être je pourrai vous dire des choses plus douces, vous montrer des dessins, de la poésie, de la consistance…
alors stay tuned les ptits potes et bonnes vacances à toustes !
j’ai plus le temps d’avoir faim c’est grave non ?
mais pour autant certain·e·s vous diront que je me noie dans une flaque
alors qui croire ?
(surtout pas moi mais faites-moi des câlins et donnez-moi des gâteaux svp avant que je tombe)
Parce que je sais que vous l’attendiez toustes avec impatience, presque avec urgence!!, rassurez-vous les ami·e·s le voilà ! L’extrait de lettre du mois.
(Est-ce que je devrais dire à mes correspondant·e·s que les textes qu’iels reçoivent sont parfois (même si rarement et très partiellement) montrés à WordPress avant de les atteindre ? Question ouverte. Et surtout, question secondaire : après tout c’est mon intimité qui est dévoilée, pas la leur. Non ?)
« En cherchant par où te répondre je te relis, et ta lettre est très jolie, décidément. Comme une bouffée d’air frais entre les feuilles d’automne. Elle prouve ce qu’il ne faut jamais oublier, et tenir toute sa vie très proche de soi : il faut toujours écrire aux gens, maintenir le regard, tendre la main. Nous sommes toustes terrifi·é·es, tout le temps. Moi la première ; j’ai si souvent terriblement peur. Mais je me bats, je commence à apprendre, parce que même quand ça a fait mal je n’ai jamais regretté de m’être ouverte. D’avoir essayé de « percer la nuit du monde ».
[…]
Le soleil se retire et revient par vagues dans l’appartement. Je me dis que j’aimerais être […] près de la mer ; je me dis que j’aimerais être chez mes parents pour que tout se calme enfin, que les journées redeviennent entières et que le passage du temps soit à nouveau tangible. Pour fondre dans les bras de mon père et redevenir enfant, lorsque le monde était à ma taille, que je ne me noyais pas dedans. (Encore une fois, mauvaise semaine : ici, à Rennes, je suis plus heureuse que je ne l’ai jamais été. Seulement, manifestement, mon épanouissement personnel passe par le chaos.) »
((oui très bizarre l’ambiance)) ((mais l’air sent les vacances et les longs après-midi)) ((alors je crois que ça ira)) ((pas vous ?))
Apparemment je sais pas faire la purée et apparemment je sais pas non plus en rire sans fondre en larmes –
21 octobre – 9h
Murmurations de la mer grise
La mer verte bleuit toujours en murmurations
Au milieu de la brume turquoise derrière les rochers sombres les nageur.euse.s se dépêchent d’échapper à ma vue
Les têtes ondulantes disparaissent derrière les pierres mouillées et je reste seule avec le paysage
À gauche le ciel gris à droite le ciel bleu et en dessous la brume
La mer n’est pas un lieu.
Je plonge dans la mer,
Et je tombe de l’univers.
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(+ le petit dessin d’hier méga pixellisé (pardon pour vos yeux) (la paresse a toujours un prix))
Ponctuation des herbes folles sur les falaises de la mer
Posées en fourre-tout au bord du soleil tiède d’Octobre
Montées descentes
Ondulation des pierres éclatées comme des écorces
En ville on oublie la couleur des après-midi
Qui n’existent vraiment que dans les plaines
Errances errances le ciel est pâle comme le sable
Au loin les falaises tout autour les rochers
Les cris des enfants roulent sous les vagues et il n’y a rien de plus urgent que de se perdre
Certains rochers plantés dans le sable ressemblent à des pierres tombales
Au monolythe de 2001
À un secret si bien gardé qu’il s’est oublié lui-même et ne pourrait même plus nous murmurer son nom
je ne sais pas où elle est passée
(je n’aime pas faire de rimes aussi simples)
mais demain on part alors il faut boucler tout
comme toujours j’aimerais plonger dans les reflets des miroirs et mes yeux se ferment comme les petits yeux d’un tout petit chat
minuscule petit chat microscopique même
dont on retrace les mouvements à la voix de ma coloc en contrebas
les sons sont parfois plus précieux que les images et je crois qu’on pourrait remplacer presque tous mes dessins par des enregistrements
le craquement d’une allumette parle mieux de la bougie que la bougie elle-même.
« ééééfgttttty
(pas moyen de faire la liste de courses pour Errances tranquille) (mais c’est vraiment un tout petit chat vous en croiriez pas vos yeux alors je lui pardonne)
« La vie est une suite d’urgences. »
Hier la journée a été avalée par l’arrivée de Grisouille, elle a trois mois, certains de ses coussinets sont roses et d’autres sont gris (les tâches grises sur le blanc s’étendent même à ses pattes), cette nuit elle a ronronné tout contre moi pendant que je lisais Gide (qui est tordu, tordu mais surprenamment plaisant pour ce qu’il met d’ignoble dans ses personnages), et donc voilà j’ai oublié tout le reste du monde.
Pendant que j’écris la musique de ma petite enceinte semble se détacher de l’atmosphère. Parfois – souvent – elle y pénètre complètement, mais cette fois-ci elle semble posée dessus comme un collage, comme une affiche déchirée qui révèle une autre affiche ; et au fond elle me plaît bien comme ça, subjective, accessoire, distante.
(Cette impression vient peut-être de son volume très faible, pour ne pas déranger la toute petite chatte, dont la tête – on ne le dira jamais assez – est deux fois plus petite que la paume de ma main.)