c’est déjà-là mais bien au fond du corps
je tire sur la corde quand j’en ai besoin et ça semble de nouveau facile
lestement posé au creux de mes talons,
il repose
comme une antiquité qui aurait coulée nette
jusqu’au fond
attendant qu’on se rappelle à elle
la disparition s’est marquée en deux temps
1 j’ai salement déserté
2 je me suis mise au crochet
alors google me propose « mailles serrées » au lieu de « errances.fr » quand je lance ma recherche
c’est arrivé comme ça, plus de raccourci en changeant de téléphone, plus la petite icône pour se rappeler à moi, alors j’ai laissé faire
maintenant je regrette
thierry a dit : « novembre est un mois »
et je garde les yeux ouverts : si je baisse la garde, décembre arrivera
je vois Varda dans les racines blanches de toutes les dames qui croisent ma route
il y a un nœud plus gros que les multiples autres qui embrouillent mon dos, il sied sous l’omoplate droite, quelque part entre une côte et une côte
rien à faire (étirer – palper-rouler – malaxer), il reste bien au creux des os
je l’ai présenté à mes amis, peut-être bientôt à mes parents : ça devient sérieux entre nous deux
y’a que la tempête qui nous fait partir
y’a que maman qui me fait pleurer
et y’a que l’ennui qui me fait écrire
un peu faim un peu la gerbe et beaucoup de morve dans la gorge
je sais pas en vrai, un peu envie de vivre des passions sans le stress qui va avec, envie de petites flammèches brûlantes mais pas trop encombrantes
neuf mailles serrées puis neuf mailles serrées
coincée en sandwich entre ces deux patterns
c’est là qu’elle est née
au coeur du motif et à la fois partout
depuis elle vit pour les neufs
les neufs tout rond et en même temps bancals
juchés sur un pied frêle
un pied comme un bout de fil qu’on peut tirer
c’est un peu ironique, elle est tout sauf neuve
un résidus d’un vêtement acheté d’occaz et qui avait déjà été porté par chaque membre de la famille qui possédait le pull en premier
pas neuve, donc, mais accro au neuf
neuf le chiffre, pas l’adjectif, vous suivez ?
neuf couleurs distinctes sur le pull dont on parle
avec du recul, elle se dit que ça fait trop pour un seul vêtement
mais c’est nostalgique
cinq couleurs sur ces neufs la constituent
ses iris sont bleu roi
ses cheveux sont vert pomme
ses cils sont blancs
son squelette est rouge
ses empreintes sont grises
elle pense beaucoup au 4 couleurs qui manquent pour recréer le pattern de sa naissance
elle ne dit pas leur nom
elle a 54 ans
ça fait neuf fois six ans
mais elle compte bien vivre jusqu’à neuf fois neuf ans
voire neuf fois neuf fois neuf si l’avenir est clément
mauvais signe : rude parce qu’il ne le sera pas
les augures abandonnent et le temps est trop doux
on racontera la neige aux enfants s’il y en a
le vent sûrement franc, les manteaux toujours mous
peut-être même qu’on verra écharpes autour du cou
comme des choses du passé bonnes pour le débarras
on a marché et le temps est super
rougit un peu les joues mais pas encore trop
et pas pour trop longtemps
pisser derrière sa jupe c’est se retrouver vraiment
a l’école je la vois pas on se croise à peine
on a marché vite mais c’était ralentir
c’était prendre le temps
le vent est doux sauf quand il plaque les mèches dans les yeux
sentir les vêtements qui enveloppent mes bras comme mis sous vide
qui enserrent mes jambes
mon corps une lettre dans une enveloppe molletonnée
a l’école primaire je mettait mes erreurs entre parenthèses au lieu de les raturer
aucune conscience du vrai rôle de ce signe aucune conscience qu’on voyait encore ce que j’avais écrit au milieu des arcs-de-cercle
pas le ctrl+z espéré
pas l’outil gomme
)que de l’attention sur l’erreur(
on a essayé le stylo-plume c’était pas fameux pour une gauchère que les bruits crissants rendent zinzin – en plus de la couleur du stylo-effaceur que le papier puant absorbait par capillarité
ensuite au collège j’ai eu des stylos frictions dont l’encre s’efface par la chaleur du frottement – parfois la gomme synthétique devenait grise et molle mais globalement ça marchait bien
après j’ai fait des ratures baveuses avec des stylos gel qui séchaient trop lentement et mes doigts passaient dessus trop tôt – encore la main gauche – j’ai arrêté d’être soigneuse psychorigide pas compatible avec mon esprit de 15 ans tourmenté incompris pas compatible avec les bisous encore plus baveux que le crayon
enfin c’était le graphisme et je touche plus à un stylo trop grosse nerd pour me salir les mains
je garde une corne à l’intérieur du majeur gauche, côté index, en lieu et place d’un fantôme de crayon
(et au moins je sais utiliser les parenthèses ce glyphe parmi tant)
parfois j’essaye de biper son badge sur mon interphone
ou d’ouvrir avec ma clé la serrure de sa porte
et quand ma langue fourche il n’en tient pas rigueur
ça fait une semi-mémoire pour deux, comme les grées et leur oeil unique
se poser des questions qu’ils n’imaginent pas dans leurs rêves les plus absurdes
analyser les silhouettes dans l’obscurité pour savoir si elles avancent ou si elles s’éloignent
tirer vite les conclusions et adapter son comportement en conséquence
éviter leurs épaules et
changer son fusil d’épaule en vacillant
constater que, encore, ils ne font rien on fait le reste
J’ai une peau de reptile mais le sang chaud
Il file doux dans le tube posé sur l’avant-bras
Ce bout de moi qui s’échappe reste à trente-sept degrés,
logique
mais je n’y avais pas vraiment accordé de réflexion
la sensation est étrange
Un fluide chaud-ininterrompu-réconfortant
Je regarde ailleurs mais il se rappelle à moi, c’est mesmerizing
L’infirmière me libère et c’est tout j’ai donné
la démarche fébrile mais le menton haut
Sur le chemin du retour il y a une chaussette d’enfant
Quand j’arrive à son niveau, la dalle de ciment sous mes pieds flanche un peu
Elle s’enclenche presque, produit un son net, façon piège d’Indiana Jones
Peu importe, si je flotte au-dessus
On ne m’aura pas
le chemin est vivant
un bébé tout mou, tenu sur des genoux
il croit qu’il est sa mère
il croit qu’il est son père
un chat qui envisage l’écart minuscule sous une porte, il sait qu’il peut passer il s’écrase et il passe
le bus arrive en même temps que moi
l’écran digital dit bon voyage aux gens pourvu d’un titre de transport
deux hommes débattent des relations amoureuses
« les filles c’est des galères »
« surtout les filles de maintenant »
leur fiole de whisky sent fort
j’arrive à destination
je fais un peu de sport
c’est la docteure qui demande
et mon coeur après avoir monté trois étages
je fais un peu de sport mais aujourd’hui la coach a dit :
« allez, pensez au chocolat que vous pourrez manger, c’est bien pour ça qu’on fait du sport, non ? »
euh non madame
voilà
c’est fini le gros bazar
fini carnage
fini les textes jetés en marchant droit traversant la chaussée
deviens un odilon discret qui laisse la place
essaye toujours