Si je ne me frotte plus les yeux
C’est parce que je les hydrate trop
Parce que les images me burinent en torrent troubles
Parce que la fonte des repères entraine la liquéfaction des parois qui me composent
de ce cœur qui me démène
de ce sang qui cavalcade
Parce que je pense trop aux autres l’été
Parce que parce que
Parce que chaque vague au fond de chaque lagunes
de ma parole
recrache
ses postillons
Englue
mes sens
professionnellement
la roue tourne dans le vide
le vide tourne comme une roue
Marcus imprime des lettres de liens
où les mots ont été oubliés
où les points ailés flottent dans le vide
où les phrases sont à inventer
Je voudrais en envoyer une à quelqu’un
la remplir de mes silences qui se font trop longs
Une page blanche vivante avait poussé silencieusement dans la nuit. A travers la vitre du train il fallait qu’elle soit reliée à son regard à ses cheveux à ses oreilles à son bassin, pareille à une poche de perfusion accrochée aux poteaux téléphérique. Elle ne pouvait pas céder à la tentation de débrancher ou de plonger sa main dans la poche claire pour remuer sa surface inerte et calme. Elle attendait seulement que la page retire de chez elle tout ce qui la troublait, sans un regard d’aversion et dans une extrême simplicité, dans une aspiration magique qui la laissa groggy. À son retour chez elle, au lieu de se mettre en quête de quoi se nourrir (ça devenait urgent) elle se précipita pour acheter les premières bulbes de narcisse venues.
réveil brumeux
la marée haute dans le ventre
envie de gestes qui parlent
et puis il y a le sien, son réveil
qui fait le bruit blanc d’un tapotement rythmique et synchronisé par mouvement de phallanges sur un dos lisse
comme une table de nuit
Le katsu curry est un plat qui patiente et se mange froid dans une étreinte à l’étroit
je lui colle un regard ou
un désir en coin
et on tourne à droite au bout de l’avenue
Son idée était d’aller de l’appartement à Montmartre
sans regarder de carte
il me dit que c’est à cause des angles que l’on se perd moi et moi que bien embrasser est une question d’angle
le besoin d’être embrassée
la peur de me perdre
c’est à la fois bizarre et hyper important
Quand elle est dehors avec moi ma mère me raconte des histoires dont personne ne se soucie trop, les détails des vies trop ordinaires des gentes qui habillent ses quotidiens. Paris miroite nos reflets dans les flaques. Elle déverse ses pensées couleur givre de fin d’hiver et moi j’ai peur de ce que disent les silences de mes mains moites au fond de mes poches dans l’attente d’une vibration.
Je me souviens de cette chambre à son arrivée à Paris et maintenant cinq ans plus tard on la chiffonne dans des sacs poubelles et on la range dans des cartons. Beaucoup de sacs poubelle et de cartons. Ça s’entasse ça monte progressivement dans l’entrée on croirait une barricade. On a fait ça bien, en musique forcément comme quand on parle peu. Mon rôle consiste à inspecter les placard et à lui montrer chaque chose que je trouve : ça non, ça oui. Il y a des choses que je jette sans lui montrer car je sais qu’elle me dira non. Parfois en grattant le fond je tombe sur des trucs et ça nous fait rire : un harmonica un slip kangou des ballons une flûte des vieilles photos. Elle fourre tout dans les sacs sans trier, elle dit que c’est passer encore du temps sur les choses au moment où elle ne veux plus les voir. Le chat ne m’aime plus. Je me dis que c’est la dernière fois que je le vois tout comme cet endroit et au fond ça ne me fait pas grand chose. Marion fume au balcon tout comme il y a cinq ans quand elle arrivait à Paris au début de l’été et je revois la même image, sauf que les tornades qui dansaient dans ses yeux se sont un peu estompées.
Me réveiller en 2024 dans son appartement avec ses bibelots qui interrogent ma présence de leurs yeux tous creux. J’ai rêvé de mes parents assis juste là sur son canapé et de ma mère qui voulait absolument ranger son bordel et de moi qui l’en empêchait. Vision absurde et troublant. Crampes au ventre d’avoir trop dansé, pieds encore chauds. L’appartement compte de nombreux objets mais je crois que mon préféré est le chat rouge en porcelaine sur la cheminée près des fleurs séchées.
Au départ elle se décollait ça lui faisait comme une grande bouche avalant la poussière, mais cette fois je la sens d’un coup, en descendant de la montagne ma semelle se décroche de ma chaussure. Les pierres qui roulent sous la peau des pieds font moins mal que ce que l’on croit et je pense à celleux qu’on croit folles parce qu’iels courent pieds nus. Je me dis que j’aime ça, que de toute façon ce n’est pas plus différent du quotidien où je suis beaucoup trop proche de tous mes centres. Envie de peau à peau avec les rochers pour oublier un peu les personnes qui me manquent. Je compte les épaisseurs qui séparent mon corps du sol. Je devine les insectes le ruisseau la vase humide et chaude. Mes mains sont chromatiques rougies au bout, si un jour on me cherche dans la forêt.
Noël : bûche mouillée et serveuse sèche
Ma mère me dit que les cheveux décolorés, plus le jaune orange au coin des yeux plus le t shirt dessiné et le jean décousu ça fait too much, qu’on pourrait faire un effort franchement même si ça nous fait bien plaisir de jouer à la famille décalée au repas de Noël.
Pensée en boucle ou travail baclé il y avait là une ambiguité face à laquelle, paralysée, elle ne savait pas répondre. Il faut du courage pour se décider à entrer tout entière à travers le brouillard pour une durée indéterminée. Certaines dérives chaotiques méritent un peu de douceur et un peu moins de résistance armée. D’habitude c’est l’inverse, les observer sans rien faire lui donne la gerbe. Envie d’humeur placide : qui garde son calme, qui est doux, paisible, sans réaction violente. Elle s’était promis de sortir mais elle reste dans la chambre pour exploser dans son coin.
I don’t wanna change but I don’t wanna stay the same. I don’t wanna go but I’m runnin’.
Elle porte sur elle ses vêtements de la veille par dessus son pyjama. Elle se dit qu’à 23h47 il y a un monde où il est encore temps d’aller prendre l’air, marcher dehors pour mieux réfléchir. Elle croit à ce moment-là que dormir, être inactive c’est céder. Que l’idée de céder la ronge autant qu’elle la désire, parce que du sommeil oui, elle en a vraiment besoin. Elle ne sais pas. C’est comme ça qu’elle fini 98% de ses phrases en ce moment. Ça l’exaspère. Comme si chaque question posée engrangeait une nébuleuse, dessinait une somme de points trop nombreux qu’elle commencerait à relier mais dont elle perdrait rapidement la suite. Elle a jamais vraiment su choisir le chemin le plus court. À la place elle prend des trajectoires molles. Elles se demande de quoi sont fait ses mots qui piétinent en salle d’attente en attendant leur heure.
Elle disent que combattre quelque chose c’est faire de cette chose un centre. Qu’alors, d’abord, la combattre devient une habitude. Puis que cette habitude mute en besoin. Elles disent que si combattre une chose devient un besoin alors on finit par avoir besoin de cette chose, par en faire, pratiquement, une raison d’être au monde.
Elles refusent de se battre contre ce dont elles veulent se débarrasser.
Parce que j’ai lu ce passage dans l’odeur des pierres mouillées de Léa Rivière et que j’ai remplacé « chose » par « anxiété ».
Là quelque part reposait un oiseau essoufflé. Il s’était mis à compter silencieux ses minuscules plumes blanches charbonneuses qui lui restaient, celle que la tempête n’avaient pas dispersées ça et là sur les cases bleues du grand échiquier. Il ne gémissait pas. Il attendait simplement que sèche la larme coulée du pli de son œil spongieux et humide de javel. Les mortes sortirent du tambour pour la seconde fois. Ses plumes furent amassée pour garnir un clic-clac. Il trembla de froid.
J’ai acquis là un instrument magique pour calmer mes angoisses. Depuis mon lit son corps svelte et dure dort debout me faisant face. Silence maintenant, sauf pour les phalanges chromatiques qui battent encore la mesure pour faire venir le noir. Ça calme comme les exercices de respiration. Je me souviens de la chambre de B et de ses guitares, à comment elles s’étaient empilées les unes après les autres jusqu’à envahir la pièce. Il les disposait avec précision dans la ronde de pierres de sorte à pouvoir en jouer dans n’importe quelle position. Même le corps couché à l’envers il lui suffisait de tendre le bras pour attraper ses étoiles. On aurait aimé s’imaginer un endroit pour que nos instruments cohabitent avec nos bouches assonantes.
Sur la promenade de la plage je prends mes jambes à mon cou. Je cours à toute vitesse pour échapper à une ombre qui me suit. Les marchands de glace, les parasols les enfants à bouées tourbillonnent et me jettent à l’eau, je brasse l’air de mes petits bras dans la panique, mon champs de vision s’embue et se déforme à cause des larmes, j’ai 5 ans et je fuis quelques chose d’horrible c’est sûr, une voix crie mon prénom et je couvre mes oreilles en criant en retour de toutes mes forces pour couvrir le bourdonnement de la mer et des pas qui se rapprochent, au moment où épuisée et toute tremblante je me laisse enserrer par ces bras, je remarque en arrêtant de pleurer qu’ils me sont familiers, c’est ceux de papa.
Qu’est ce qu’il y a sur l’autre côté de ton doute panoplie ?? Tout ce que tu fais tu l’interroges, tu t’excuses et tu te punis de tes imperfections, tu te dissous dans tout ce que tu fais. Je sais que c’est lent et que ça stagne, mais écrire par bout c’est tout ce que j’arrive à faire pour essayer de déchiffrer tes strates.
Ma voisine de bus a le sommeil agité. Elle se balance, sa tête roule d’un côté où de l’autre cherchant quelque chose, un appui où reposer. Parfois je sens son souffle près de mon épaule, beaucoup trop près, et puis brusquement elle repart de l’autre côté. Les heures passent comme ça, avec sa tête qui fait la boussole et je me demande quel genre d’orage éclate à l’intérieur. Au moindre contact il risquerait presque de se déverser dans le nuage qui m’accompagne et de couler sous mon siège.
Dans le salon, à la lampe torche, un vieil homme en polaire bleu marine souffle chaudement sur les dernières pièces de son puzzle dans ses paumes en espérant qu’une petite flamme lui pousse
ce n’est pas de ta putain de faute je lui ai dis en la portant sur mon dos
Ça a commencé par deux tâches de sang qui brunissaient sur sa jupe. Elle a pensé à sa mère qui lui demanche chaque fois au téléphone si elle a mangé de la viande rouge récemment. Ça l’exaspère. Puis ça a été son pull en laine blanc et le papier qu’elle tenait dans sa main, et les lattes de parquet entre ses pieds. Elle est remonté jusqu’à la source et a vu qu’il s’agissait de son doigt, l’index gauche plus précisément. À son extrémité une capuche rouge, comme si elle avait trempé son doigt dans du coulis. En léchant elle a senti une crevasse, une plaie, un endroit où il y a quelques minutes peut-être, il y avait de la peau mais elle ne s’en souvient plus. Elle se souvient rarement de comment ça commence. Par contre la peau boursoufflée et rougie, mauve quand il fait froid, lui rappellent à chaque instant comment ça se termine. C’était une fente rouge vive, si petite que ça l’a étonné qu’autant de sang puisse s’en écouler. Une douleur lui est venue de là, elle se répercutait à l’intérieur de sa tempe. Elle a eu beau porter le doigt à sa bouche, il a continué de couler par vague en flot de plus en plus intense, à ruisselé sur sa main en empruntant des rigoles de salive et tâchant tout ce qui était à sa portée à chacun de ses mouvements. Finalement elle s’est décidée à le maintenir immobile dans sa bouche pour le faire taire, à s’égoutter lentement dans ses bottes au milieu de la pièce sans distinguer si une pression lui venait de la fente ou d’un autre endroit en dessous du ventre. Les deux peut-être mais impossible de savoir qui avait provoqué l’autre. Aucun son ne clapotait dans la grande flaque sous ses pieds.
on est dimanche ce matin les draps sont lourds mais on part toucher la mer. La plage est l’endroit où je peux être la plus légère la plus amoureuse et la plus absente je crois. L’îlot pour s’étreindre est inateignable à marée haute, pour grimper dessus il faudrait vider un peu les larmes salées que j’ai versées dans la salle de bain avant de partir. Sur les remparts des petites filles clapotent dans les flaques et rigolent quand on se prend le bras comme les vieux. Les morceaux des araignées de mer sont dispersés un peu partout sur le sable ça devient difficile de les assembler pour s’en faire une armure
la porte ne ferme plus mais il demeure entre les murs de livres autour du lit. Il le voudrait plus petit pour ne pas laisser trop de place à ses mauvais rêves.
posée à la laverie
quatres minutes avant la fin du cycle court
à mes yeux c’est le temps qu’à mis novembre à défiler
si c’était un film il m’aurait laissé un goût doux-amer en sortant de la salle