note
combien de temps avant de raccrocher et trouver la cadence ?
quand le stress l’étreint et tétanise ses mains elle pense à celles de sa grand-mère qui savent réparer sans trembler le dos décousu d’un livre à cœur ouvert
avant que le vélo ne fende la foule, avant de chauffer les voix à s’en brûler la langue, avant de chanter la lega à nous toustes, avant que ne fusent à bas l’état policier à deux, trois, quatres voix, avant les fumées mauves et les poings serrés c’est comme si dans le bus il avait fait nuit trop longtemps
c’était un soir au greyhound pub
les ongles un peu noirci de craie grasse
la voix d’une chanteuse r’n’b qui transperce de-part en part
le rêve de faire vibrer les cordes toutes chaudes de mes mains froides
quatre oiseaux de nuit dans soho et chinatown
dans ce coin de la ville elle me dit que j’ai du perdre mes yeux d’enfant moi je crois plutôt que pendant que les sirènes hurlent je l’arpente autrement qu’une touriste sortie de son énorme ventre.
london baby a du être pensée pour la bière de chemin
ici les chats disent que les lesbiennes sont partout
les grandes dames de mon monde ont 80 piges une coupe mulet rouge braises encore fumantes et un pantalon sous leurs jupes à fleurs
elles disent : the power of the press belongs to those who control the press
dans le tube je pense à mes rides à moi : elles seront bleues monochromes dessinées à même le cadre
en attendant la terre aux alentours de trois heures du matin le néon jaune pénètre et aveugle tout les paupières les rêves insomniaques la banquette le bus les pieds gelés l’immeuble flottant et les vagues noires. Elles sont loins déjà les basses de Madonna et toi sur le pont qui essaie de trouver le prénom de mon père.
sans toi dans le siège d’à côté la salle de cinéma ressemble à une immense forêt noire. Je frissonne quand je perçois une créature me frôler et s’asseoir à ta place. On est comme elles, les bestioles dérangeantes.
le jour de son anniversaire maman rejouait la même histoire : une panne de courant quand il rentrait du travail. Elle nous disait de l’attendre dans le noir, et allumait trois bougies sur quelque chose d’original dans la cuisine pour bricoler un gateau si on n’en avait pas fait un, avec trois pommes, c’est arrivé que ce soit une courge une fois. Il faisait toujours semblant d’être surpris. Le jour de son anniversaire c’est rare qu’il fasse beau. C’est un jour sans fin où on ne parle pas ou très peu : on a appris à passer au travers. On s’essaie à l’attention et à la tendresse mais c’est comme faire rentrer un rond dans un carré. Le jour de son anniversaire me renvoie à la photo d’un crocodile à la page du mois de novembre sur un vieux calendrier de 2008. Chaque année le voile sur ses yeux s’épaissit. Je me demande si il est triste. Je me demande s’il s’en fout simplement. Cette année ça tombe un samedi. Quand je l’ai appelé la première fois il n’a pas décroché.
réveil épuisé ce matin. J’ai passé la nuit à me battre, à péter des mâchoires et des genoux. Une tornade vociférante. Tout le monde y est passé, sans concession. Ça a peut-être commencé à bouillir quand j’ai remarqué hier que le tag pro palestine en face avait été recouvert d’une épaisse couche de peinture beige crous. J’ai froid, le chauffage s’est encore coupé, sous mes pieds sortis du lit j’évite les braises encore fumantes.
Elle lit lentement, pesant chaque mot, tenant le livre d’une main posée sur ses genous croisés. L’autre reste en suspension dans l’air, les doigts légèrement courbé s’agitant et tournant doucement au rythme de sa lecture, ils semblent modeler l’air à mesure que sa voix lit le texte, comme si sa main voulait lui donner une forme. Mise à part sa main, sa bouche dessinant une moue, elle se tient parfaitement immobile. Elle lit et laisse des silences, le temps pour les mots et les images de vibrer de bien nous atteindre à l’intérieur. Elle les énoncent comme on souffle dans un jouet pour faire des bulles, en maitrisant son souffle pour que la ou les bulles ainsi relachées soient de la plus juste taille le plus juste poids, celui qui la fera flotter plus ou moins longtemps dans l’air, celui qui la fera éclater plus ou moins vite, au bon moment. Langue batarde me grimpe dessus, ne m’a laissé que des résidus de mousse et de rivière dans les oreilles.
Envie brûlante de faire un livre sur Permanent vacation. J’ai beau rester concentrée sur le film, je dérive comme le personnage, les plans les images la voix off s’impriment dans mon cerveau cela parait si évident c’est comme s’il existait déjà entre mes mains. Il serait petit, beaucoup de pages. Quand on les tourne, on entendrait pleurer le saxophone.
Il y a ce clou très haut cernée de noir sous le plafond qui ne retient rien. Quand j’ai emménagé je me souviens l’avoir fixé longtemps avant de m’endormir, la première nuit. J’y ai jamais rien accroché.
Il y a le moisi, la fine couche de mousse les tâches brunes mouchetées qui gangrènent derrière les volets dépliés le soir.
Il y a les filochements un peu jaunie d’une boule de patafixe à l’endroit où il devait y avoir une photographie.
Il y a une auréole bleue proche d’une gravure j’imagine facilement l’empreinte d’un doigt plein d’encre.
c’est ce soir que nous devions être au concert. J’ai rêvé de ça cette nuit. Tu avais pris deux places il y a quelques mois maintenant, on avait dit qu’on n’irait pas ensemble et que c’était peut-être mieux comme ça. Et oui, il y aurait eu quelque chose de bizarre. De dissonant. J’ai pensé que peut être la musique aurait gommé tout ça. Peut être que cette musique-là est trop vibrante, elle est trop nous. The more you love the more you know, la rose blanche au dessus de mon lit le chante dès que je la regarde. Flétrie, un peu jaunie sous son verre. Tu me l’avait offerte après l’avoir attrapée au vol quand le bassiste l’a lancée dans la foule pressée en fosse. J’étais : euphorique. Je l’ai serrée toute la soirée en la protégeant dans ma veste des corps en furie pour ne pas qu’elle ne s’abime.
Dans mon rêve tu ressemblais au chanteur : pantalon or shiny, visage couvert de paillette et des plumes dans tes cheveux, un tambourin à la main. On n’épouse pas les chanteurs a dit clara.
j’espère que tu attraperas ta rose blanche ce soir.
-tu es nostalgique ?
-qu’est ce que tu veux dire par là ?
-regretter le passé
-quelque part oui, sans doute. Je crois que plus que le regretter, je vis dedans.
Il y a des jours où mon présent n’a pas de substance il est diffus. C’est juste un décor qu’on aurait posé là par erreur au mauvais moment. Des creux et des vides que j’interroge, que je remplis avec des souvenirs qui se déforment en continu, des scénarios que je m’invente. Entassée pleine a craquer jusqu’à étouffer et ne plus retrouver les choses. Ils sont innombrables les cd gravés dans mon crâne que je passe en boucle, du bruit blanc suffisamment effrayant assourdissant pour dissocier et contrôler tout le reste. Pause, je voudrais que ça se calme, je voudrais revenir au bord. J’aime rêver mais là c’est trop. Je veux déterrer juste une fois mes pieds paralysés bien enfoncés dans le sable. Comme les exercices de la psy qui me disais ferme les yeux, c’est ça, tu ne le sens pas là, le son produit par le frottement de ton souffle sur tes narines ? Je ne veux pas dormir ma vie. Mais c’est comme nager en pleine mer jusqu’à épuisement et n’avoir plus d’autre choix que de se laisser emporter au large. Il y a des raisons à vouloir s’extraire de l’instant, comme quand j’ai voulu descendre brusquement de la rame de métro l’autre jour deux fois de suite à la mauvaise station et que ça nous a fait rire aux larmes sauf que les miennes étaient réelles et bien brûlantes sur mes joues.
Je crois que c’est pour ça que j’explore chaque recoin de leur peau, même si ça les surprend par exemple que je m’attarde longtemps du bout de mes doigts sur le relief d’une vertèbre en particulier. À cet instant enfin, je m’en approche, je touche le bord.
il porte des lunettes de piscine sur ses yeux pour découper les oignons mais pas pour se laver. Plus tard quand je rince la vaisselle, il émerge par moments un bras, une main, une boucle, un bout de cuisse de derrière la cloison dans la lumière du matin qui lui ricoche dessus.
me lève dans le noir
pisse dans le noir
me promène dans le noir
la mer bruit se déverse dans le noir
tobi le chien me suit dans le noir
on mange dans le noir
ils aboient dans le noir
maman pleure tout bas dans le noir
me recroqueville dans le noir
on abandonne comme des voleurs la maison, la conversation glissante sur noël, les bateaux et leurs lumières vacillantes dans le noir
la tempête nous suit nous crache son encre noire
je ne me souviens plus de son prénom
tête penchée
l’humeur indique marée basse
les îles naissent les unes après les autres sous mon regard la vision ressemble à l’envol dans un paysage minecraft
l’envol me fait aussi penser au clip que zaho de zagazan à sorti pour la symphonie des éclairs
les mauvais rêves recrachés par la mer pendent aux branches d’artichauds
elle m’a eue par surprise en montant si haut jusqu’à mon coeur
il faut le retrousser
au milieu des milliers d’algues je foule la lune
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