quand on part en vacances elle prend des maisons immenses pour que chacun puisse se rouler en boule dans une pièce. Sauf qu’on ne sait pas faire, on ne sait pas avoir l’air d’habiter là par hasard, on n’a même pas assez de chaleur à nous pour la répandre dans tout cet espace autre.
parfois je me dis que ses chambres à elle c’est peut-être ça, un nuage de maisons gens-de-confiance assez vides pour poser ses lourdes valises, assez vides pour étouffer le silence et les failles
il est vendredi soir jour de pluie jour de fatigue immense je n’étais pas prête, à peine debout sur mes jambes je dois m’accrocher à la table, m’accrocher à mon pull, chiffonner mes doigts, m’entourer de ces bras au réveil pour ne pas chavirer, ne pas devenir aussi cotonneuse que Adobi, ne pas casser et éparpiller ma tête sur mon ordinateur et sur mes reebooks
bassin éteint et porte fermée, notre rituel s’arrête là, dommage j’aurais bien voulu cette nuit onduler un peu ivre dans l’eau chlorée
je prends mon petit-déjeuner dans le noir. les nouvelles du monde me glacent le dos. dans mon thé sans goût il y a un visage. le jeune homme ukrainien sur la 10 à Paris. il porte une veste en cuir trop grande des mains noires d’encre comme les miennes et une énorme valise défoncée couverte d’autocollants. sur le téléphone qu’il me montre je lis google traduction :
*maintenant je vis dans un atelier pour artistes en exil pour ceux qui sont persécutés Et quand je vivrai moi même dans cet atelier, ils me trouveront un logement séparé, alors nous pourrons déjà parler. Peut être qu’on sortira ensemble. Et peut être que nous nous réunirons d’une manière ou d’une autre. Alors je ne veux pas penser à l’avance. Vous n’êtes qu’une artiste aussi.*
eaustagnante voudrait voir la mer alors on roule jusqu’à l’embarquadère. Ce n’est vraiment pas le plus beau coin ici le silence a posé un filtre gris et l’horizon est enfermé dans les containers rouges beiges et bleus. Le sol gondole sous nos pieds il est par endroit rempli d’eau et nous on saute dans ces baïnes en béton. le sel grignote mon jean dessine une fine vague blanche et je rêve que je nous aperçois là haut juchée sur les blokaus géants parées de nos drapeaux imprimés pour le grand voyage. Sur l’un d’eux il est écrit ocean calling -le nom de l’entreprise, je le fredonne dans une chanson. je penche mon regard vers la droite là où la mer finit dans la gueule béante d’un tunnel sans fond : c’est la caverne du sous-marin torpilleur. dans un mois : **london baby**, on dormira nous aussi sous les abysses noires
les films de barbara hammer, même après les avoir regardé dix fois, ils me rentrent par les rétines et colorent ma peau phosphorescente
virage à droite, virage à gauche l’horizon défile mort et lisse sur mes trois écrans de contrôle. c’est la première fois que je conduis et j’ai au moins trouvé comment régler le siège, de préférence assez profond pour que je disparaisse dedans. j’ai beau rester attentive tous mes gestes sont de travers : intérieurement c’est allumage direct des feux de détresse, game over ce sera encore au moins 135 mille heures, sérieusement c’est nerveux j’ai envie d’éclater rire de quoi j’ai l’air dans mon turbo simulateur
18h : je plonge d’un coup mon corps dans la mer verte irisée le courant glacé qui électrise comme deux doigts dans la prise : un délice. en apnée sous l’eau tout s’est cristallisé, les pensées qui m’obsédaient toute la journée les vagues qui me crachent leurs postillons les ont emportés en me disant : t’inquiète. le vents finira par emporter mes habits c’est pas possible ! parfait parfait, dans ce cas je me couvrirais d’algues le temps de rentrer me chauffer au poele.
je me pince si souvent que j’oublie l’effet que ça fait avec le temps. d’ailleurs ces pincements-là ne plient pas la peau, ils ne font pas forcément mal non plus. c’est plutôt comme des morceaux de musique qui se coupent brusquement sans prévenir. Entre ces soubresauts je rêve mais pas d’une manière dont on peut rêver la nuit. sans cesse un glissement après l’autre m’entraine dans des voyages étranges des espaces ou je ne suis plus tout à fait moi. j’ai choisi dans la boîte un papier couvert de tâches de peintures bleues. il me fait penser à la cover du dernier album de courtney barnett
dans ses clips je suis cette personne un peu louche derrière la paroi transparente qui peint avec attention tout en regardant son reflet : quelle autre je vais être aujourd’hui ? je prend ma palette et trace sur la vitre des ronds de taille constante, aux différentes nuances de bleus. j’en dessine autant qu’il en existent d’autres en moi que j’essaie d’être, des panoplies qui tournent, des voix que j’attrape au vol pour sonoriser le fond de ma gorge. ce bleu là sera pour la meuf dure qui ne se pose pas de questions, cet autre à côté pour celle qui sait écouter sans trop l’ouvrir, celui là encore c’est pour la fille qui shine juste avec son sourire et son strass dans l’aile de son nez, celui là pour la loveuse qui dit je t’aime sans le dire, cet autre encore pour celle qui explose, et enfin lui pour celle qui parvient sans frein à écrire ses pensées qui deferlent par vagues.
je voudrais que ma tête soit un œuf
je voudrais la fendre doucement et laisser aller les filaments transparents et un peu visqueux
je la voudrais creuse sans trop la craqueler
la vider juste un peu, cette dure
mais le dehors lui fait peur
je suis allée au cinéma seule voir anatomie d’une chute : brillant
l’impression d’avoir regardé tomber une lourde pierre en moi elle tombe et elle s’éclate au sol gicle partout a mes pieds sous mes roues je pédale très vite pour semer l’énorme essaim de guèpes affreuses qui me suit quand je rentre chez moi
la douleur vient par vague elle est glaçante l’impression de rejouer les scènes mais en changeant les visages, l’impression que tous mes scénarios mes pires craintes se passent là sous mes yeux tout en sachant que ça n’est pas arrivé ça n’arrivera pas mais ça pourrait en même temps les images restent sur la rétine les mots cognent en boucle la vérité c’est que ça me fait juste trop mal c’est que je suis paralysée dans cette non-attente où je m’abime, où je déforme tout, a attendre ou pas le pire, a attendre ou pas de comprendre, de décortiquer disséquer cette merde, attendre le sang dans la neige en sortant la poubelle le matin
un jour seul au monde ressemble forcément à un jour dans l’atelier vide à écouter les sons de rfm crachés par le transistor en fin de vie (liste non exhaustive)
chandelier – sia
sex appeal – mylène farmer
rape me – nirvana
the loneliest – maneskin
evidemment – france gall
caroline – mc solaar
u2 – where the street have no name
larusso – tu m’oublieras
encore rêvé de mes dents qui tombent
le réalisme de la scène la fausse douleur me surprend me fait vriller a chaque fois et me retourne le ventre : je me réveille en sueur passe la main sur ma bouche sur mes dents non molles en les faisant légèrement bouger : tout va bien les canines sont en place d’ailleurs je devrais y mettre des strass
une photo flotte souvent sous mes paupières
mon père et ma mère en voyage à New York, ils doivent avoir 25-27ans
ils sont debout habillés mi étudiant mi parents maman porte une longue jupe d’hiver avec un gilet bleu ciel fermé par de gros boutons ; elle portait des lunettes ronde d’informaticienne aux branche noires et fine
l’homme qui passe sa main autour de ses épaules a un polo marinière
derrière eux il y a un grand aigle de pierre qui leur pousse d’immenses ailes dans le dos
est ce qu’ils pouvaient imaginer ce qui arriverait à cet frêle oiseau à deux corps
non ça devait être une belle journée
un peu froide
je ne connaitrais jamais les deux anges
B était mon amoureux
tous les deux, on aimait la musique et marcher dans les montagnes
un jour j’ai relaché notre histoire du sommet de l’une d’elles
ça a commencé je t’ai demandé si je pouvais marcher avec toi sur la ligne blanche
tu m’as dit oui pour échapper aux grands
et j’ai été ton amie
dix huit ans passés p’tit reel insta pour rigoler
y’a pas de photo de nous nulle photo de nous aucune de photo de nous jamais nous deux sur aucune photo le monde trouve ça fou
posée dans le premier métro
j’ai le t shirt a l’envers
et le coeur qui dort
sur les restes de la cabane au fond du lit
j’garderai les yeux bien ouverts
même si je te verrai en monstre dégoutant
les p’tits rats couinent sur les pavé au lever du jour
rue des saints pères, pourvu que le mien se taille
en enfer en mode aller retour
je pose machinalement mes yeux sur le quignon du pain et j’ai a peine le temps de réaliser que la lame ripe et glisse sur la surface toute dure, le doigts saigne au bout près de l’ongle, j’ai enveloppé doucement la plaie dans une grosse poupée caché la seule partie de mon corps bien ouverte et réveillée ce matin i guess
sous l’eau de la piscine un homme nage en dessous de moi, ou plutot je vole au dessus d’un homme, il porte une combinaison noire des palmes noires son corps est lent et souple il semble si loin si profond une fois le fond atteint il se laisse porter en effectuant une étrange et onduleuse danse je l’imagine poisson géant frottant son ventre sur la mosaïque d’or nous nageons en miroir dans le bleu jusqu’a la fin
c’est devenu normal de te trouver dans mes endroits
j’avais fait un nid pour ton absence mais là c’est réel
par exemple je vais au lidl et je te vois
je prends le métro et tu es dedans
je rejoins mes amixes au bar et tu es l’une d’elleux
au cœur de la nuit tout pourrait être bizarre et tempête mais non, j’ai juste le smile quand tu roules sur ma ville
je me balance debout au centre du cercle, je me suis avancée et maintenant je me laisse atteindre par les dizaines de voix des unes et des autres, la rencontre est violente, je sens ma peau se hérisser aussitôt, je m’accroupie par terre et leur chant s’enroulent autour de mon corps, assaille mes oreilles toutes ouvertes, ça vibre de devant de derrière de toute part selon que grimpent les aigues ou bourdonnent les basses, le doigt collé a ma tempe notre air m’enveloppe, d’une rondeur escamoteuse, les meufs se sont toutes mises en mouvement à présent, déplaçant leurs voix qui ricochent et serpentent, éclatent un peu partout comme des bombes, moi j’ai le souffle chaud les sens à vif, et le feu au ventre sur ces mots que j’aurais voulu te chanter
il a oublié sa paire de grolles chez moi, ça fait deux soirs déjà qu’elles m’attendent bien sages quand je rentre le soir comme deux chats noirs roulés en boule
je délace les miennes puis je les place à côté, ou face à face plutôt, pour qu’elles se voient un peu, elles ont sans doute des trucs à se dire
mon lit est un vortex qui aspire les lèvres brûlantes, les boucles brunes et les corps à la peau des plus épaisses
il pleut des torrents violents de pluie, soudain dans le train toute trempée toute entière je plonge et je me mets à l’abri, essoufflée je sens mon visage tout liquide se déverser lentement sur l’épaule d’A., je me tourne vers la vitre je ne vois pas le paysage seulement les gouttes qui font la course, j’essaie alors comme les enfants de dessiner le tien trait pour trait mais je le sais jamais plus nous ne ferons ce voyage, je ne suis plus triste maintenant que j’ai sauté de ce wagon où tu étais monté pour ne plus jamais en descendre.