Errances

6 janvier 2024

un test de couverture pour le livre

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11 décembre 2023

ASCII (3)

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29 novembre 2023

des questions

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Dans quelle mesure les pratiques textuelles et textiles sont-elles une manière de tisser des connexions transtemporelles entre les individu.es ?

Texte, textile, code. Ces mots portent en eux une charge sémantique, une histoire de langue qui, au fil du temps glisse, et étoffe leurs significations. Comment la puissance poétique de ces termes peut-elle contribuer à tisser une perspective politique cosmique et collective ?

Ces pratiques résultent-elles d’un besoin de rendre habitable le passé, le présent ou le futur, et de les rapiécer pour façonner un tissu narratif enveloppant une perspective cosmique, politique et collective ?

4ème génération qu’on se passe ce même fil

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1976, mon arrière-grand-mère Marie réalise (à la demande d’une de ses sept filles, Marie-Louise) cinq cahiers dans lesquels elle raconte l’histoire de sa famille. Suite à la micro-parution intra-familiale de ces textes, intitulés “Écrits de mamie”, ma grand-mère, Marguerite ou Margot ou Bonne-Maman, écrit un sixième cahier à la demande de sa sœur Thérèse. Il est intitulé “Notes de Marguerite” et est réalisé en 1989. Pendant la même période, leur autre sœur, Noëlle, Noëlla ou Nono, auto-édite un livre : “Autrefois … ! Souvenirs de Nono, notre grand’mère”. Elle y raconte des fragments de son passé, préparation des tripes incluse.

2022, une seconde Noëlle, fille de Lucie, une autre des sœurs, dévoile son livre “Je voudrais te consoler, récit de filiation”. Elle fait la navette entre le présent ou sa mère est morte à l’ehpad, et son enfance rurale, tramant la trajectoire personnelle de sa mère, semblable à celle de nombreuses autres femmes de l’époque.

2023. Au bout, il y a moi. Au bout il y a moi qui tient ce fil, avec ce besoin de raconter encore ces femmes qui écrivent, ces femmes qui filent avec le temps. 4ème génération qu’on se passe ce même fil, il sort de la bouche de Marie, passe par celles de Margot, Noëlla, Noëlle, Lulu, Domi, et les autres.

D’où vient ce besoin de filiation, de transmission, d’héritage, de mémoire ?  Est-ce que l’écriture est pour vous une manière de vous nouer entre vous, de nous nouer entre nous ? Est-ce que ces textes découlent de votre besoin de rendre habitable ce passé, de le réécrire, de le rapiécer ?

Les mots comme des fils

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Les mots “texte” et “textile” partagent la même racine latine : texere, qui veut dire “tisser”. Texte et textile désignent donc un ensemble entrelacé, fait de nœuds et parfois de trous. Les mots comme des fils. Des fils pour des mots.

Le mot code vient du latin caudex ou codex qui signifie le tronc d’arbre, une tablette de bois, ou un livre manuscrit : il est étroitement lié à l’écriture. Dans notre ère cyborg, par code on entend surtout : des suites d’instructions écrites dans un langage crypté, destinées à être interprétées par des ordinateurs afin qu’ils effectuent diverses tâches.

Au 19ème siècle, Ada Lovelace s’inspire des cartes perforées des métiers à tisser Jacquard, pour mettre en place le tout premier programme informatique, avant même que les ordinateurs ne soient inventés.

Comme les pixels pour le point de croix, les lignes de code sur un écran m’évoquent une tapisserie colorée, et l’espacement entre les caractères, les fils de chaîne du métier à tisser.

Aujourd’hui c’est avec l’aide des algorithmes que l’on garde le lien, que l’on tisse notre réseau, que l’on dévide nos mots, que l’on tricote nos luttes. C’est grâce au tissage que l’on se noue. Lae web c’est la toile, c’est le tissu.

25 novembre 2023

ASCII (2)

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[Ressac, Diglee p.77]

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Je songe à tout cela, seule, sur cette plage grise, à ces canevas complexes que sont nos familles, à la manière dont ce tissage multigénérationnel oriente nos vies, et je cherche vainement mon moi réel, si tant est qu’il existe, dans ce tumulte opaque. Il me semble que je leur tiens la main à toutes, autant que je les implore de me laisser être.

ASCII (1) test 800 caractères par ligne

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19 novembre 2023

Interlude

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C’est pareil à chaque fois

La mer me lave de la crasse du goudron

La mer me rend lisse comme un galet

(Mer me lave de crasse goudron

Mer me lisse comme galet)

18 novembre 2023

Cartographie (1)

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6 novembre 2023

Atelier d’écriture (5) avec Lakrima

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Le couinement de ta peau qui frotte contre la glace te hérisse les poils. La buée tout juste estompée
laisse une fine couche de brouillard entre ton reflet et toi. Les yeux encore plissés de sommeil, tu te
scrute de tes grands yeux jaunes au milieu, ocres sur les bords, dorés entre les deux. Tu t’apprêtes à
prendre une deuxième gorgée de café quand une intuition étrange t’envahit : quelque chose a changé
dans la composition de ton visage. Tes mâchoires ont l’air plus larges, plus carrées. Tu frottes à
nouveau le miroir, puis tes yeux, et te rapproches. Ton nez touche presque la surface de la glace. Tes
pupilles s’arrondissent brutalement en découvrant une rangée de dents éclatantes et surtout très
pointues, encadrées par deux longues canines. Tu fermes les yeux, prends une longue gorgée d’air,
la bloque dans le fond de tes poumons, et la laisse lentement s’échapper par tes narines
entrouvertes. Une douleur vive dans les gencives et tu te rappelle cette nuit, la lumière pâle de la
pleine lune qui illumine ta chambre. Puis la fièvre qui monte, les griffes qui sortent, les meubles
renversés, ta couette déchiquetée. Tu rouvres les yeux, adresse à ton reflet un sourire hésitant : il est
redevenu comme avant.

Atelier d’écriture (6) avec Fanny Lallart

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(TW dentiste, aiguille, sexualité)

 

IL MANQUE TROIS QUENOTTES

DEUX EN HAUT UNE EN BAS

LES TROUS ONT ÉTÉ COMBLES

LES QUENOTTES RESSEREES

CA SE VOIT PAS MAIS

SI T’OBSERVE BIEN

QUENOTTES ALIGNÉES MAIS

CANINES RAPPROCHÉES :

SOURIRE DE VAMPIRE

FAUT CROIRE QU’YAVAIT PAS LA PLACE

C’EST VRAI LA BOUCHE EST TOUTE PETITE

QUENOTTES QUI POUSSENT DE TRAVIOLE

ALORS MERCI POUR LES GROS TRAVAUX

CIMENT ECHAFFAUDAGES GOUTTIÈRES CHEMIN DE FER

IL EN RESTE QUE DES VESTIGES

TIGE DE FER FIGÉE DANS LA RÉSINE

DENTITION AUX NORMES

MA BOUCHE EST UNE RUINE

AMYGDALE GAUCHE GONFLÉE

TU PEUX PLUS AVALER

TU PEUX PLUS RESPIRER

CAMERA DANS LE NEZ

PCHIT AMER DANS LE FOND

L’AIGUILLE LAISSE UN TROU

PROFOND DANS LA CAVITE

TU TIRES LA LANGUE

TU DIS AAAAAAAAAAH

BÂTON SUR LA LANGUE

RÉFLEXE NAUSÉEUX

GANTS EN LATEX GOUT AMER

CAPOTE EN LATEX GOUT FRAISE

TU DIS AAAAAAAAAAH

GORGE PROFONDE

RÉFLEXE NAUSÉEUX

[Rêver l’obscur, Starhawk]

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 13:01

Ainsi, je parle de la Déesse comme d’une tisserande, une araignée, et je commence à faire attention aux araignées qui tissent leurs toiles dans les coins. Je fais l’expérience de la toile comme un rythme de fils et d’espaces. Je vois qu’il y a des nœuds et des vides, et que le jeu de la matière et de l’espace donne à toute la toile une tension, la rend à la fois robuste et élastique, un ressort.

Je médite sur la toile et c’est cette sensation de robustesse que je retiens, que je savoure, que j’incorpore jusqu’à être capable de la rappeler à volonté. Je cherche dans ma propre vie ces nœuds, ces espaces – dans les mots, dans les relations -, et connaître la sensation de la toile me donne le pouvoir d’être capable de sentir la même robustesse dans les nœuds et les espaces de ma vie.

Et parce que l’araignée, la toile sont réelles et contiennent toute la richesse de la réalité, elles peuvent, d’autres jours, me donner d’autres pouvoirs. En regardant l’araignée extraire les fils de son propre corps, je peux apprendre à extraire des cordes d’énergie de mon propre corps, à les tisser dans de nouvelles formes; à extraire des mots de ma tête, de mes mains – pour tisser cette page.

31 octobre 2023

le fil (6)

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 00:53

Entre le haut de mon épaule et ma clavicule gauche niche maon oiseau. Tracé·e à l’encre noire, la gueule ouverte iel vole, iel crie. Maon oiseau ressemble à une mouette, j’avais pas vu quand je l’ai adopté·e. Je lui ai dit t’es joli j’aime les oiseaux et puis si tu fais ton nid dans mon creux d’épaule ça fera penser aux marin·es qui partaient avec une hirondelle tête à droite et revenaient avec une hirondelle tête à gauche. Si t’es une mouette c’est encore mieux, tu me feras penser à Bonne-Maman qui mettait pain dur de côté dans sac plastique pour quand on viendrait dans la grande maison. Maman aussi gardait des sacs étiquetés « mouettes » et quand on arrivait le premier soir on allait à Port-Briac. Certain·es mouettes sont des goélands, ça j’ai mis toute une enfance à comprendre. La plupart des gentes savent plus les différencier, c’est fou comme on a arrêté de regarder. Depuis le plus haut rocher de Port-Briac je jette un morceau de pain un·e goémouette l’attrape au vol et hurle comme cellui sur ma clavicule. Iel hurle pour appeler ses copaines. Les mouettéland·es débarquent en meute, rieuxses. C’est arrivé qu’iels viennent chiper mon sac, mais pas ce soir : iels tournent et dansent au-dessus de moi, se disputant les fragments de pain. C’est sûr, cellui qui niche dans mon épaule est un·e mouette, bec court et pointu, œil sombre. Si iel était en couleur, bec et pattes seraient rouges.

A noter :

Selon oisillon.net :“Peut-on donner du pain aux oiseaux ? NON ! C’est pire avec le pain : les oiseaux ne digèrent pas la levure ou le sel, le gluten est mauvais pour leur foie et ils peuvent même développer une maladie nommée « le syndrome de l’aile d’ange » qui frappe les canards ou les oies que nous nourrissons au bord des étangs.”

25 octobre 2023

[Maria Lai (2)]

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[Maria Lai]

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“What does sewing mean? A needle enters and exits something leaving a thread behind: a trace of its path which joins places and intentions”

Lost (and Found) Artist Series: The Visual Poetry of Maria Lai

“It doesn’t matter if you don’t understand, just follow the rhythm”

23 octobre 2023

deuxième image sur la page wikipédia d’algorithme

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22 octobre 2023

[Anna Maria Maiolino Por um Fio (Sur un fil)]

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21 octobre 2023

[L’Agriculture comme écriture, Nina Ferrer Gleize III. Inscription de l’expérience paysanne : textes, images, tracés et tissages page 478 : Texte, tissage, circulation

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 23:46

Le motif récurrent de la toile, qui relie entre eux les livres de la Bibliothèque bleue, les vêtements paysans, le rôle du chanvreur et le fond photographique d’Arnaudin, est significatif d’une relation au texte comme tissage, comme trame ; mais aussi d’un savoir-faire vernaculaire. On pourrait poursuivre cette image : le tissage de ces fils, qui rappelle à l’écriture, ravive aussi l’idée des lignes qui s’entrelacent et se croisent. Or, la construction d’un imaginaire paysan est inséparable des modalités de circulation des images et des textes [..]

19 octobre 2023

atelier d’écriture (4) avec Anna

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au fond du jardin

entre les tuyas qui grattent le dos

le cabanon qui sent l’araignée

et le saule qui bave

il y a une structure vert d’eau

la peinture se détache

tu peux la gratter

ça tombe par fragments tu sais

comme quand tu peux pas t’empêcher

de gratter ton vernis à ongle

c’est la structure de la balançoire

au début yavait 2 balançoires en bois

la plus vieille s’est cassé

iels l’ont remplacé par une en plastique

jaune le plastique aérodynamique

celle ci elle va plus vite plus haut plus loin

elle donne le frisson du vertige tu sais

au fond de la poitrine ou dans l’estomac

quand j’ai trop mal au ventre

je grimpe sur le côté

et je fais le cochon pendu

atelier d’écriture (3) avec Anna

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 12:49

René, surnom Loulou, a 11 ans, dans la vie il est passionné, il a un petit nez en trompette et des longues tresses, il a 3 mamans, sa passion c’est faire de la crabougnasse de crabougnasse et du parfum à l’eau de rose, il vit dans terrier de renard aménagé dans le bois près de l’étang, il se déplace essentiellement à pattes, passe le reste de son temps libre à s’occuper de renard, son animal préféré c’est renard, son animal détesté c’est la punaise de lit, son plat préféré la crabougnasse banane kiwi, son plat détesté il l’a jamais goûté mais c’est probablement la crabougnasse d’andouillette, sa couleur préférée c’est côte d’émeraude et il déteste le jaune fluo, il kiffe le chiffre 3 car c’est sa date de naissance et garde très précieusement la cocotte minute de sa grand-mère ainsi qu’une photo de sa grand mère et lui déguisés pour halloween.

Un peu de boue fraîchement recueillie, de la menthe séchée et une cuillère à sucre de pattes de fourmis, la crabougnasse de crabougnasse était presque prête. Elle dégageait une vapeur épaisse, un peu brune. Il ne restait plus qu’à mettre tout ça en pot et René pourrait en vendre aux adultes du lotissement. Ses crabougnasses remportaient un succès fou. René avait théorisé que tout était meilleur en bouillie. Prenez une banane par exemple : c’est doux, et un kiwi par exemple, c’est plutôt piquant. Et bah si on les écrabouille ensemble, ça fait une crabougnasse de crabougnasse vraiment fameuse. Sa nouvelle recette manquait d’un petit peu de quelque chose qui garantirait le grand frisson à ses client.es. Il cogita longuement en fixant la cocotte verte où cuisait la préparation. C’est grand-mère qui la lui avait léguée, le seul truc pour lui dans son testament. Elle possédait pas grand chose grand-mère : c’était son objet le plus précieux. Un éclair traversa René, et il détala à quatre pattes vers le terrier de renard, où il avait emménagé après une dispute des ses mamans. Renard c’était son meilleur ami et son terrier était très cosy. Aménagé et tout, lit superposé, kitchenette, ascenseur, wifi. Il farfouilla dans sa besace qui traînait sur le canap pour trouver son objet fétiche, qu’il gardait tout le temps sur lui sauf quand il préparait la crabougnasse de crabougnasse, faudrait pas le salir. Il mit finalement la main dessus : c’était une photo de grand-mère et lui. Elle portait un faux nez, mal fait : on voyait l’élastique, un chapeau rapiécé en feutrine noire, plutôt réaliste, et dans ses bras, une citrouille à visage, plus cute que flippante. René, lui portait une robe en polyester violette motif toile d’araignée. C’était son dernière halloween avec elle, sa fête préférée. Il ferma les yeux et déchira un bout de la photo, ça lui hérissa ses poils de tête. C’était un bout de souvenir qui manquait à la recette.

18 octobre 2023

atelier d’écriture (2) avec Anna

Filed under: - antide,wanderings — latige111 @ 11:22

le paysage se fragmente au fur et à mesure que les nuages défilent

la montagne prend pied dans un lac de glace tiède

il l’encercle et la protège

à sa naissance la roche est striée de milliers de fines rayures grises et

à son sommet elle est toute lisse : unie

ici on ne voit qu’en niveau de gris mais

il paraît que dessous la couche de gris la montagne est orange

et le ciel bleu électrique

ça fait une heure qu’on est ici et

le même nuage défile en boucle

à son 336ème passage on voit qu’il s’assombrit

l’orage éclate à son 444ème passage

Renard éclate au même moment

en 8 morceaux bien découpés

4 pattes, 1 queue, une tête

et deux morceaux de corps non identifiés

la pluie battante devient rivière

et les morceaux sont emportés

vers le lac tiède et glacé

on a jamais retrouvé les fragments de Renard

on aurait voulu le raccommoder

les années passent, un arbre pousse

tout en haut de la montagne

il n’a pas de feuilles sur ses branches

et de loin on dirait qu’il est mort

de près, il est tout poilu

d’aucun dirait que si on pouvait voir les couleurs

il serait roux

atelier d’écriture (1) avec Anna

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 10:19

Tout le monde fait des rêves. Quelques-uns s’en souviennent, beaucoup moins les racontent, et très peu les transcrivent. Pourquoi les transcrirait-on, d’ailleurs, puisqu’on sait qu’on ne fera que les trahir (et sans doute se trahira-t-on en même temps ?).

Je me rappelle pas souvent de mes rêves parce que j’ai le sommeil lourd. On m’a dit que quand on se rappelle de ses rêves c’est qu’on s’est réveillé juste après. Moi je me réveille jamais. Moi je me rappelle que des rêves que j’écris le matin quand jsuis pas tout à faire réveillé. C’est la plupart du temps de longs rêves où se succèdent des scènes qui n’ont rien à voir entre elles, y’a souvent un moment où je cours. C’est comme si les lutins qui font fonctionner mon cerveau se mettaient à jouer au yams la nuit tombée, fatigués de leur journée de travail. Les dés ils les ont sûrement trouvé dans un vieux tiroir. Je les imagine dans l’arrière cuisine, clopes au bec, yen a un qui a fait une petite suite.

La face 1 d’un premier dé lance une scène de manif (pattern récurrent de mes rêves),

La face 2 du deuxième dé lâche mon ex (autre pattern, mais de moins en moins récurrent)

La face 3 du troisième dé projette la photo de la plage qu’Ezra m’a montré tout à l’heure, avec les galets roses (mémoire immédiate).

La face 4 du quatrième dé rappelle la soirée film avec Blaiz la semaine dernière (random shit).

Ça c’est chez mes lutins, mais ma tête ça donne quelque chose comme : je me fais poursuivre en manif par des policiers, mais en fait la manif c’est pas à Rennes c’est sur la plage près du gîte. Le sable ralentit ma course et je finis par faire du sur place, le flic en profite pour m’attraper le bras, je tombe et ma tête heurte un galet. Un peu sonné, je mets quelques secondes à comprendre que je suis nez à nez avec Rouky le chien du film Disney Rox et Rouky, mais en fait à la place de sa tête y’a la tête de mon ex, sa moustache de connard et ses grand yeux de biche, avec juste deux longues oreilles qui pendouillent à droite et à gauche. C’est le genre de rêve dont je pourrai me rappeler.

12 octobre 2023

sérendipité (1)

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 23:46

ce mot mémoire m’encombre je sais pas quoi en faire

parce qu’on est pas à la fac

parce que je suis pas théoricien

pourtant (je crois) : il s’agit bien de mémoire(s)

d’une navette qui fait l’aller-retour passé-présent-présent-passé

ma mémoire nos mémoires mes mémoires mes moires

qui dit mémoire dit recherche

je tape “mes moires” sur internet

je vois que je suis pas la première à faire ce jeu de mot

on trouve : une maison d’édition (qui retient pas mon attention, j’aime pas le design du site), le titre de l’autobiographie d’un vieux mec cis blanc, je clique quand même : Jean-Pierre Dionnet, rédacteur en chef d’une revue de SF de années 70 : Métal Hurlant. Internet métal grouillant me hurle SF SF SF SF SF SF SF et Donna (Harraway) me chuchote dans l’oreille SF pour Science Fiction, Fabulation Spéculative, Féminisme Spéculatif, Soin des Ficelles

ficelle fil fils fille

j’attrape ce fil

je continuer à scroller

(scroller en anglais et ça veut dire dérouler, ça vient du rouleau du parchemin, du registre, je repense à ce que Marion m’a dit : texte = textile)

tombe sur un autre Jean-Machin, (Jean-Luc Steinmetz) poète et critique littéraire, ses moires parlent d’ « apparitions », des « traces d’un oubli actif », de « mémoire cachée de notre rapport aux êtres et aux mondes », je comprends pas grand chose, ça a l’air plutôt beau, ça me suffit

je déroule la pelote encore un peu, plus rien d’intéressant sur lae web

[Raymonde Arcier, juillet 1976 (Sorcières, n° 17, 1979, p. 118) L’héritage]

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 23:17

Ce qui me reste de la famille archaïque,

je crois que ce sont mes aiguilles.

Avant on tissait, maintenant ils tissent dehors.

Avant on faisait nos vêtements, maintenant ils les font dehors.

Avant on faisait nos balais, maintenant ils font les aspirateurs dehors.

Avant on faisait notre pain, maintenant ils le font dehors.

Avant… maintenant…

Alors maintenant moi, j’aspire la poussière avec l’aspirateur,

je coupe ma viande avec le couteau électrique,

je monte mes œufs avec le batteur électrique.

J’achète ma petite usine personnelle, en allant travailler dehors,

dans une plus grande usine pour y être payée.

Mais les aiguilles restent.

Je tiens à mes aiguilles

on aura du mal à me les arracher.

Je veux parler à partir de mon héritage de femme,

il me pèse et je ne peux le renier sans me renier moi-même.

Faire des choses presque impossibles avec mes aiguilles,

tricoter du fil de fer avec elles,

transformer le masculin en féminin,

porter ce qui est à l’intérieur à l’extérieur,

grossir pour dehors, ce qui est presque invisible dedans.

Montrer un travail de femme qui explose,

fait craquer le passé, rugir le présent, libère l’avenir.

Tricoter un pull immettable,

des pailles de fer inutilisables,

des sacs de ménagères importables.

Tordre du laiton, chercher.

Rendre souple ce qui est rigide,

rendre fort ce qui est souple,

chercher, sans oublier.

 

https://femenrev.persee.fr/issue/sorci_0339-0705_1979_num_17_1

10 octobre 2023

[Retourner les pierres, Forêt Noire, épisode 7, 13min54 – 15min23]

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 16:51

Tout le temps qu’on a passé ici Léa a fait du crochet. Dans ses mains un premier fil crée une boucle, le crochet passe à l’intérieur, attrape le fil suivant, passe à travers la boucle, ça crée un nœud. En regardant cette trame s’allonger au fil des jours, on se dit que c’est aussi ça, qu’on a fait ici. On a pris dans nos mains ce nom, « La Croix des femmes mortes », comme un premier fil, on l’a croisé aux récits des vivant.es qu’on a rencontrés. La trame que l’on a crochetée est faite de bifurcations, d’hésitations, mais une étoffe est là. Pour fermer un ouvrage, il faut couper le fil et faire un nœud dans la dernière maille. Ainsi le crochet ne peut plus s’y glisser. Notre ouvrage à nous ne se termine pas par un bord net. On laisse la dernière maille ouverte, pour que dans cet espace s’y noue, peut-être, d’autres histoires.

https://foretnoire.net/?Retourner-les-pierres

 

[Colza, Al Baylac, p.99]

Filed under: - antide — latige111 @ 16:49

on fait la fête pour s’aligner avec les astres, pour tirer le tarot de la vie, pour répondre à l’appel de la louve dans nos bas-ventres, détricoter l’angoisse, poinçonner nos peurs de tendresses et tisser nos affects dans un tricot de bras complices et solidaires

https://www.editionsblast.fr/colza

9 octobre 2023

le fil (5)

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 22:20

(tw mention corps mort)

Cette nuit-là j’ai eu du mal à trouver le sommeil, minuscule dans le minuscule lit du grand salon de la grande maison qui craque la nuit. Il est facile de se faire peur la nuit dans cette vieille bâtisse en pierre dont le moindre recoin est recouvert de tapisserie fleuries : minis-jésus cloués sur des minis-croix au dessus de chaque porte, vieilles poupées au longs cils et yeux vitreux sur le prie-dieu, miroirs partout, cadres photos des aînées de la famille sur plusieurs générations au dessus du petit lit en bois dans le salon, tête-à-chapeau maquillée dans la véranda et dentelle en veux-tu en voilà. Mais cette nuit-là, cachée sous la couette, du haut de mes 17 ans, je suis terrifiée. J’arrête pas de me dire qu’il y a un cadavre juste en dessous. Ça arrive pas souvent d’être si proche d’un corps mort. J’entends le vent dehors comme s’il s’engouffrait dans les escaliers que je suis persuadée entendre craquer sous ses pas. Des cris stridents résonnent dans la rue. En tout cas c’est comme ça que je m’en rappelle, je sais même plus si c’est vrai ou si c’est une histoire que je raconte à la petite fille en moi qui croit encore aux esprits. A cet instant là, j’ai une vision très nette d’elle, qui remonte les escaliers en robe de chambre, une lanterne à la main, tel un vrai fantôme. Tout d’un coup je n’ai plus peur, j’imagine ses yeux pétillants, son sourire mutin, sa bouche qui glousse, fière de sa connerie. Je crois que je me suis endormie juste après.

le fil (4)

Filed under: wanderings,- antide — latige111 @ 21:52

(tw mention mort, cadavre)

La nuit après les photos, la nuit avant le cimetière, je dors dans le salon. J’ai pas l’habitude. D’habitude, je dors en haut, soit dans la chambre bleue, vue sur les framboisiers, soit dans la chambre rose, vue sur un fragment de la baie. Ce soir dans les chambres sont entassés les invités. Je sais pas trop si on peut parler d’invités pour un enterrement. Personne dort en bas, à part Bonne-Maman, qui se lèvera pas demain. Alors je dors dans le petit lit en bois du salon (celui dans lequel elle dormait quand Bon-Papa était malade), coincée entre l’étage et le rez-de-chaussée. Coincée entre les vivants et la morte. Plus tôt dans la soirée, j’avais été la voir. J’avais tenu sa main douce et froide et dure dans la mienne. Je lui avais parlé. Je sais plus ce que je lui avais dit. Elle était toute pomponnée, joues roses, habits du dimanche, croix dorée autour du cou. Mais quelque chose clochait : elle était morte. L’aspect de sa peau marquée par 98 automnes formait quelque chose entre le drapé de marbre ou de terre cuite. Détail marquant : malgré le travail d’orfèvre des thanatopracteurices, sa mâchoire penchait dangereusement vers la gauche.

le fil (3)

Filed under: - antide — latige111 @ 21:47

Je tire un autre fil trois mois après la scène à l’hôpital, juste avant son enterrement. On était dans la grande maison de Cancale. Elle reposait dans la cuisine du bas, où il fait toujours froid. Pendant que tout le monde s’affairait aux derniers préparatifs de la cérémonie, j’ai entrepris de photographier méticuleusement avec mon téléphone chaque détail de la maison. Je crois que j’ai eu très peur qu’on la vende cette maison, et que tous mes souvenirs d’enfance s’effacent avec. Je range tout ça dans un dossier « défragmentation ». Je sais pas pourquoi je l’ai appelé comme ça. La défragmentation selon Wikipédia c’est : “en informatique, le processus d’élimination de la fragmentation du système de fichier. Il réorganise physiquement le contenu du disque pour mettre chaque morceau de fichier ensemble et dans l’ordre, dans le but d’augmenter la vitesse de lecture. Il essaye également de créer une grande région d’espace libre pour retarder la fragmentation.” C’est ça, j’ai tout le temps peur que mon monde se fragmente, que mon disque-dur plante et que ces fragments soient stockés si loin de mon maintenant que je perde le chemin pour les retrouver. (J’ai peur de tout oublier). Alors je glane, je prélève, je garde, je range, j’archive, je défragmente.

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