Antoine Seiter a réalisé un entretien et des photos de Lionel dans le cadre du workshop avec Sara de Bondt et Patrick Lacey, EESAB Rennes, 2010.
Cet entretien prend toute sa valeur alors que Lionel n’est plus la pour nous râler dessus.
Merci à Antoine de m’avoir permis de retranscrire cet entretien diffusé sur son blog
Entretien avec Lionel Bretel du 11 mars 2010
Lionel : On est arrivé ici en décembre 1978 et on a pris nos fonctions à partir de début janvier.
À cette époque là il fallait un couple avec un seul enfant parce que le logement n’était pas assez grand. Ma femme était concierge et moi j’étais concierge, on travaillait dans la loge, sans bouger de la loge. Ma femme travaillait le matin et moi l’ après midi ou vis-versa et les cours du soir terminaient plus tard donc on fermait l’école à dix heures moins le quart. En plus de ça le portail rue st Melaine n’était pas automatique, c’était un portail qui fallait fermer tous les soirs.
Il y avait une porte électrique (au 30, rue Hoche) et il fallait surveiller les entrées et sorties de l’école.
Le Directeur c’était Durant-Henriot et une dizaine d’années après il y a eu Jacques Sauvageot qui a changé complètement les choses. Il trouvait que c’était inhumain de laisser une personne dans la loge à rien faire et que c’était mieux de naviguer à droite, à gauche et travailler avec les étudiants ce qui était plus intéressant et je pense qu’il n’avait pas tort de dire ça.
Et là on a commencé à faire les travaux dans toute l’école, je crois qu’on a dû refaire 80% de l’école avec les agents d’ici. Il y avait plus d’agents, on était 7 agents techniques pour faire les travaux de peinture, électricité, placo… Ce que les gens ne peuvent pas voir c’est qu’on a refait tout l’intérieur de l’auditorium parce que c’était une pente douce qu’il y avait auparavant et pour tout ce qui était vidéo, ceux qui était derrière ne voyaient rien du tout. Si bien qu’on a fait un système en escalier pour pouvoir voir comme il faut. Au départ cet auditorium quand je l’ai connu ça ressemblait à un petit théâtre : c’était un plancher avec des sièges en bois. À chaque fois qu’il y avait des élections, ici c’était un central où toutes les urnes de l’extérieur arrivaient si bien qu’il fallait tout démonter et ça faisait des assemblées qui duraient jusqu’à 3/4 heures du matin.
L’école était divisée en deux : au 34 l’École d’architecture et au 30 l’École des Beaux-arts. En première année on prenait que 42 étudiants et maintenant on en prend plus de 90, 100. D’ailleurs quand on a pu récupérer la partie École d’architecture, l’école s’est sérieusement agrandi, il y a eu beaucoup de travaux de fait à cette période là parce que même si c’était une école d’architecture il y avait des choses qui n’étaient pas aux normes. Des salles étaient faites en tubulures, ce qui était formellement interdit et puis les escaliers étaient pas énorme. On commençait à parlait de la sécurité…
Antoine : Et c’était quand ça ?
L. : Je peux pas te dire exactement… Mais je pense que ça a dû ce faire à peu près cinq, six ans après que J. Sauvageot soit arrivé ici.
L’évolution de l’école a été énorme au point de vue du matériel quand J. Sauvageot est arrivé. Matériel informatique, vidéo, photo. Je crois qu’ils tournaient avec trois cameras, deux V5000 et une v6000 qu’ils prêtaient et puis 4, 5 appareils photos…
Et nous on a plus que triplé le matériel. Les ordinateurs, il y en avait deux au départ, et il y avait 80 ordinateurs après que le secteur informatique ait été installé.
Parce que les secteurs informatique et vidéo étaient des greniers, à l’heure actuelle tous les secteurs sont utilisés.
Moi j’ai connu le secrétariat avec des machines à écrire, il avait une machine qui servait à faire des photocopies… avec une manivelle et ils faisaient des photocopies comme ça… une rotative, c’était une rotative à main.
Durant-Henriot, il faisait parti de la vieille école, il y avait une rigueur dans l’école c’était très dur, l’école n’était ouverte à personne parce que c’était son école point final. Il n’y avait pas d’expo, dès lors qu’il y eu des expositions automatiquement il y avait du public qui rentrait dans l’école. Pour parler de la bibliothèque parce qu’il en est question à l’heure actuelle du changement de la bibliothèque, les gens ne consultaient que les bouquins sur place, elle n’était même pas ouverte au public, maintenant il y a des jours pour que les gens de l’extérieur puissent consulter, en plus de ça les étudiants ont le droit d’emmener des bouquins chez eux, ce qui n’existait pas auparavant.
A. : Les ateliers fer, modelage tout ça date de quand ?
L. : L’atelier fer a toujours existé, l’atelier terre/modelage était à la place de la menuiserie et la menuiserie, elle, se trouvait à côté des WC à cette époque là. Mais tout ce secteur a été transformé et le couloir pour sortir dans le jardin derrière tout ce secteur à gauche (galerie étudiante) était la gravure. L’emplacement du bureau de l’ancien directeur c’est juste où il y a les bacs d’acides. Le placard qui se trouve à côté du système de ventilation, il y a un placard blanc à gauche qui existe toujours et ça faisait parti du bureau du directeur.
Le petit labo photo à toujours été là, la sérigraphie a augmenté de volume de 20, 30%.
A. : T’as déjà fait des fêtes quand l’école était vide ?
Lionel : J’ai fait une fois ou deux des repas dans le jardins de l’école, aux beaux jours (hahaha…). Mais pas souvent parce que comme on est souvent dans les lieux on a envie de sortir.
Nous ici on piétine, on peut pas dire qu’on marche, on va pas très loin, donc on marche le week-end…
J’aime bien les expos photos, parfois on va au triangle. C’est des trucs que je ferais plus facilement après en retraite, on a le temps, on est pas à une heure près.
On est dans un système où on ne trouve pas tellement de temps libre.
Nous on a toujours une pensée pour l’école on vit dans l’école.
Et comme je dis ça, je pense à J. Sauvageot, il vivait que pour l’école. Il passait son temps à l’école. Il pensait qu’a l’école. Il venait bosser par exemple le samedi matin jusqu’à 11 heures ou midi et puis il revenait le dimanche soir pour bosser de 6 heures jusqu’à 8h, c’était sa vie. L’ancien directeur Durant-Henriot, à 6 heures il se barrait, mais lui il était impossible Sauvageot, il partait qu’à 8 heures et demi le soir.
A. : Après tu vas rester a Rennes ?
L. : Je vais pas rester à Rennes, parce que y’en a mare de Rennes. […]
A. : Tu crois que ça te manquer les étudiants après l’école ?
L. : Ca va me manquer, il va y avoir un passage quand même.
On est pas sans penser dans nos étudiants, j’veux dire quand on part l’été, on part quand même six semaines, on dit, tiens il manque quelque chose, il y a quelque chose à côté, il nous manque quelque chose quoi. Malgré le fait que je gueule et tout ça, tout le monde n’est pas désagréable. Il faut de tout pour faire monde, c’est ce qu’on dit quoi.
Antoine : du coup tu reviendras voir des expos peut-être ?
L. : Ici, je sais si il y en aura toujours.
A. : Ah bon
L. : Nan, ça je sais pas pas.
Peut-être qu’un jour il n’y en aura plus, c’est pas une obligation parce qu’il faut que des profs veulent bien les organiser. Si ils ne veulent plus le faire, il n’y en aura peut-être plus. Ce qu’il a Hardy quand il est arrivé c’est que ce n’est pas un musée ici, mais une école avant tout. C’est aussi pour ça qu’on a plus à travailler le samedi
A. : Donc avant tu travaillais le samedi ?
L. : Dans le temps on travaillait même le samedi après-midi, mais c’était différent on faisait que de la permanence.
A. : Qu’est ce que tu changerais dans l’école ?
L. : Je vois pas, je vis pas dans le milieu de l’enseignement, je vis dans le milieu des techniques.
A. : Oui mais justement dans ce milieu…
L. : Je vais être franc avec toi, on a travaillé en équipe ici auparavant, maintenant c’est chacun pour sa gueule, c’est chacun pour soit. Si le copain est emmerdé on s’en fout, du moment qu’on est pas emmerdé, c’est comme ça maintenant la mentalité des gens. À notre époque ça ne marchait pas comme ça, tout le monde se mettait d’accord.
(à Joëlle) Je suis là, je suis en train de faire une interview pour FR3
Joëlle : hein ?
A. : C’est moi FR3
L. : Nan c’est pour son truc […]
J’vais être clair là dessus, je trouve que les gens sont pas assez rigoureux dans ce qu’ils font. Ce que me disait Philippe Hardy et je suis un petit peu d’accord avec lui c’est que les gens sont perso ici, il s’en foutent du copain qui va emprunter le matériel après. Ils s’en foutent totalement… Aucune rigueur, moi j’ai instauré certaines choses pour pas embêter tout le monde, par exemple pour le prêt du matériel, pour le week-end, c’est indiqué : il est impératif de rendre le matériel le lundi midi. Pourquoi ? Parce qu’il y a des gens qui pourraient reparti avec à 14h… Je fais des fois des fleurs, les gens qui viennent le prendre le vendredi à 9h ou le jeudi soir. Comme dirait l’autre c’est plus une permission de 48h, c’est une permission de 96h. Je pense que les gens pourraient avoir un peu plus de rigueur et être un peu moins perso. […] Autrement si t’as pas de rigueur tu t’en fous, moi aussi je peut m’en foutre…
A. : OK… Il est 5h, merci beaucoup Lionel, c’est déjà pas mal !…
L. : Quand J. Sauvageot est arrivé ici, il a été très ouvert avec les étudiants, très très très ouvert… Il est pas toujours été comme il a été dernièrement, il a été con comme la lune mais enfin. Il y avait un tas de choses, il y avait des fêtes! Et puis finalement les fêtes ont mal tourné, il y a eu de la baguarre. La derrière des fêtes s’est terminée au Thabor, tout le monde était à poils dans les bassins, hahaha… Et puis il y a eu les histoires des vernissages, il y avait des kirs mais après les gens ramenaient leurs caisses de bière alors ça n’allait plus quoi. Il y eu un vernissage un jour dans le jardin où il y avait une œuvre d’installée avec en plus de ça les artistes qui étaient là et puis le mec ouvre la fenêtre, il met la musique à fond les manettes avec des bières à la main et tout le bordel. Alors là ça a fait déborder le vase comme dirait l’autre et c’est là qu’il a mis du jus de fruit.
A. : Mais là ça recommence un peu…
L. : Ça recommence oui, mais faut voir comment les gens vont être, tu peux boire un petit coup sans en abuser… Un petit peu de rigueur, un tout petit peu…
Bon… Y’en assez là, J’en ai assez dit.