C’est Jean Pierre Fraisse, qui, aujourd’hui, livrait à Reporterre son incompréhension, son désespoir.
Jean Pierre Fraisse, c’est le père de Rémi Fraisse.
Rémi Fraisse, c’est quelqu’un qui a défrayé la chronique il y a deux ans : la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse mourrait à cause d’une grenade lancée par un gendarme, à Sivens.
Sivens, c’est un endroit qui a défrayé la chronique il y a deux ans ; principalement pour le fait relaté juste au-dessus. Mais aussi parce que c’est un site marqué par l’un de ces Grands Projets Inutiles Imposés, comme l’aéroport de Notre Dame des Landes, ou la ligne de train Lyon-Turin. En l’occurence, à Sivens, où prend place une zone humide avec une biodiversité incroyable, c’était un projet de barrage. Pensé pour alimenter en eau des grands propriétaires fermiers et des éleveurs, le projet aurait englouti la zone entière.
Liant catastrophe environnementale et lubies ultra-capitalistes, le projet en a rebuté plus d’un : une ZAD s’y est créée.
Les affrontements avec la police ont été durs, très durs, jusqu’à atteindre le zénith lors de cette nuit du 25. Rémi Fraisse trouve la mort. Par la suite, le projet initial a été re-dimensionné, puis abandonné, grâce à l’action de Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie.
Il aura fallu un mort pour arrêter un projet dégueulasse ; dégueulasse, il l’est jusqu’au bout.
Une enquête a été ouverte pour élucider la mort de Rémi Fraisse : c’était trop gros, le gouvernement ne pouvait pas faire l’impasse sur une mort causée par leurs troupes mobiles.
Depuis deux ans, l’affaire, menée par les juges toulousaines Anissa Oumohand et Elodie Brillot, tournait en rond. Témoins, gendarmes, supérieurs, proches ont été entendus, mais sans jamais que les coupables ne soient vraiment inquiétés : le gendarme suspect number one exerce encore ses fonctions.
Le 11 janvier, les deux juges ont finalement décidé de donner leur dossier au procureur de la République, sans qu’aucune mise en examen n’ait eu lieu. Ce qui classe l’affaire en état.
Pourtant, c’est louche (élémentaire mon cher Watson). A entendre les gendarmes auditionnés, les faits sont vagues, peu précis. Il y a anguille sous roche. Reporterre a enquêté longuement sur l’affaire, et tire des conclusions qui ne plaisent pas aux forces de l’ordre : il y aurait eu une équipe de gendarme « fantôme », qui n’apparait dans aucun des dossiers fournit par la police. Mieux : dans les formations habituelles des gendarmes mobiles, cette équipe n’aurait pas dû exister. Pourtant, au vu des témoignages et des errances des gendarmes, ce groupe était bien là, absent des radars mais bien sur le terrain, et expliquerait la tuerie du 25 octobre 2014.
Evidemment, les forces de l’ordre essaient de riposter : on pense à ce gendarme inculpé, qui dernièrement a attaqué un internaute en justice, pour cause d’insulte.
Suite au classage de l’affaire (scandaleux), les avocats de la famille Fraisse élaborent des stratégies. Trois plaintes ont été déposées au tribunal de grande instance de Paris et à Toulouse, visant l’IGGN (police de la gendarmerie nationale), ainsi que Thierry Gentilhomme, préfet du Tarn, et son directeur de cabinet Yves Mathis. Bien qu’ils représentaient l’autorité de l’Etat au moment des faits, ils n’ont jamais été auditionnés pour l’affaire Remi Fraisse.
En parallèle, une affaire est en train d’émerger, concernant le sort d’Elsa Moulin, blessée à la main par une grenade. Un gendarme avait lancé une grenade de désencerclement dans une caravane habitée par des zadistes. Essayant de la relancer, Esla se mutile la main. Le gendarme nie le fait qu’il ai lancé la grenade de son propre chef, pourtant il semble ne pas y avoir d’ordre lui demandant de le faire. Ce gendarme est aujourd’hui poursuivi pour violences avec armes par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entrainé une ITT supérieure à 8 jours.
Je vous invite vivement à lire le dossier de Reporterre sur Sivens, ils y ont mis beaucoup d’énergie : https://reporterre.net/Sivens
Bonne année !