Aujourd’hui j’étais à l’entrée d’une usine. Il était midi et les employés sortaient pour aller manger à la cafétéria.
L’un d’eux s’est assis au milieu d’un banc. Il tenait à la main un attaché-case qu’il posa sur ses genoux.
Méthodiquement il en sortit un thermos qu’il posa à sa gauche et un emballage plastique qui vint à sa droite. Il fouilla une dernière fois la pochette pour en sortir un grand mouchoir blanc en tissu qu’il étala sur toute la surface de sa sacoche en y enlevant tous les plis.
Ses gestes étaient lents et infiniment précis. Il déboucha d’abord le thermos. Il mit le bouchon-tasse sur le coin gauche de sa serviette et le remplie à ras-bord de ce que j’identifiais être du thé glacé. Il reposa la bouteille puis prit le petit récipient et en bût une bonne gorgée. Il la reposa à sa place après ça.
Ensuite vint le tour du sandwich. Il mit une éternité à le déballer, couche après couche, en lissant à chaque fois la cellophane. Enfin il eut au centre de sa mallette son casse-croûte qui, je le remarquais, était déjà entamé.
Il fit encore durer son rituel en écartant chaque miette une par une puis en se frottant les mains longtemps. Je me suis dit qu’il rendait le moment très solennel.
Il regarda sa montre, parut satisfait, croqua un généreux bout de son en-cas et le reposa en mâchant posément.
Le reste de la scène n’est que l’inverse du début. Il jeta le reste de son thé dans les fleurs à côté. Son repas fut remballé avec autant de soins qu’il en fut sorti, son thermos rebouché et sa serviette repliée tout revint dans son sac.
Quand il se leva la sonnerie de la reprise du boulot retenti.
– Bon, tu as raison… mais pour ce qui est des clochettes, ça non, je les entends… et aussi des bruits de crécelle, le crépitement des fleurs de celluloïd rouges, roses, mauves, tournant au vent…
Enfance, Nathalie Sarraute
l’alouette bat son pain
au de la d’un Si
se cache une Raie
le Sol se dérobe
au contact de ton Dos
Fa ne veut rien dire Là où l’alouette devient Mi-figue Mi-raisin
j’hésite encore entre les choses et les rues
je monte à l’escabeau deux de ses pieds sont dans le vide
l’ampoule me brule l’anus
la facture remplit la solitude de sens
sous terre l’haleine dérive vers le large
projet de création de nouveaux archipels dans le coin de la pièce.
j’ai mouillé le chemin avec ma chatte
la pluie est tombé sur ses genoux
le cri ne vient pas du muet dont j’ai accouché
l’hiver sera plus rude qu’hier
plus vide que demain
la tomate pleure dans des jupes .
Quand vient le soir, des champignons poussent dans mes rues. Ils mûrissent à la lumière des étoiles en formant un abris douillet. Leur pied est creux et doux, leur large chapeau luminescent produit un léger halo bleuté.
A l’aube ils s’évaporent.
Les pigeons de ma ville n’ont pas d’ailes. Au besoin ils se transforment en ballons.
j’ai parlé avec certains d’entre vous de cet ancien d’errances
J’étais dans un parc en train de fumer quand un jardinier se présenta. Il vint jusqu’à moi et, sortant un sécateur de sa poche il me coupa le petit doigt.
– Que faite-vous lui demandais-je.
– Et bien je coupe me répondit-il calmement.
– Mais je ne suis pas un arbre!
– Ils disent tous ça.
Tandis qu’il coupait mon indexe ma cigarette tomba.
– ça me fait mal lui dis-je.
– Il faut bien dit-il alors que mon pouce et mon majeur tombaient à leur tour.
Je protestais encore un peu. Mon annulaire et trois doigts de mon autre main furent sectionnés promptement.
– Comment je fais maintenant pour fumer avançais-je bien que je n’en avais plus envie.
– Hé, à quoi pensez-vous que serre l’élagage me lança t-il en s’en allant.
Tout ce que nous visualisons avec contour est illusion.
Tout ce que nous contournons est visualisé avec attention.
« j’étais à mi-chemin de la traversée de l’Amérique, sur la ligne de partage entre l’Est de ma jeunesse et l’Ouest de mon avenir »