6 février 2019
Une ville idéale
Dans ma ville se dresse une magnifique église. Fine comme une aiguille elle touche les nuages et ses cloches sont en verre. Elle est faite de briques rouges et de grands vitraux multicolores inondent la nef d’arc-en-ciel magiques. Dedans, pas de Christ mort sur la croix; au lieu de ça je le trouve bien vivant, passant le balai près de l’autel. Il me regarde d’un air sévère et me dit:
« Sortez monsieur, l’église n’ouvre que dans une heure. »
5 février 2019
J’ai entrepris une récolte des « laissés pour-compte ».
Passés de la matière, à la forme, à l’utilitaire, au décoratif, à l’encombrant.
Dans un processus de transformation je tente de les réintégrer dans un cycle qui avance.
Par la fonte, ils retournent à état de matière, se réinscrivent dans un commencement.
Puisque dans les fours des métallurgistes, au cours des réactions chimiques,
———————————————————————————————————- rien ne se crée, rien ne se perd.
Ce n’est pas une disparition ou désintégration, mais un retour à l’espace des possibles.
j’y pense et puis j’oublie
je pense que finalement
le deuil commence vraiment
quand on comprends que les morts
ne reviendrons jamais de vacances
poemood n°18
la radio dit bonjour
la radio le dit
râler à la radio comme jamais la radio n’a redit
râler à la radio comme jamais la radio n’a ramené la musique au village
ramener la musique au village
ramer sans la nage
4 février 2019
Aussi simple que l’est ta main, te voici nue:
lisse, terrestre, fine et ronde, transparente,
tu as des lignes de lune, chemin de pomme,
toute nue tu es mince comme le blé nu.
Nue tu es bleue, du bleu de la nuit à Cuba
l’étoile en tes cheveux se mêle au liseron,
toute nue tu es jaune et tu es gigantesque,
on dirait un été dans une église d’or.
Nue te voici petite ainsi qu’un de tes ongles,
courbe, rose, subtile jusqu’au point du jour
qui te verra rentrer au souterrain du monde
comme un long tunnel de travaux, de costumes:
et ta clarté s’éteint et s’habille et s’effeuille
et devient à nouveau une main toute nue.
27, La Centaine d’amour, Pablo Neruda
Le vieil homme et le vieux chat
– Tu ne chasses plus. J’ai remarqué que tu ne bougeais plus beaucoup de ton siège, dit le vieil homme.
– Non, non. J’ai mal à la patte. Elle me lance quand je m’appuie dessus, répondit le vieux chat.
– Tu penses qu’elle est cassée ?
– Non, pire, c’est l’arthrite. Ça me bouffe la rotule. Bientôt je ne pourrais même plus me lever.
– Hum… Et quand le chat n’est pas là.
– …
– J’en ai vu une pas plus tard qu’hier. Elle a disparu dans un trou de taupe.
– Je vais voir avec mon cousin. Il nous en débarrassera en une nuit, c’est un excellent chasseur. Il voit mieux la nuit que le jour ! Et niveau vitesse, je n’en connais pas de plus rapide.
– Oui. Tu ferras ça. (pause). A-t-il un maître ton cousin ?
– Non, il aime trop sa liberté. Il vit dans les champs et a peur des hommes. Mais moi il me connaît, il me suivra.
– C’est mauvais cette histoire d’arthrite. Très mauvais… Et ces souris qui reviennent.
– Oui. Mais mon cousin est rapide. Je l’amènerais ici et il s’occupera de ces souris.
poemood n°17 feat la fleur
le problème c’était que c’était pas une vraie fleur
elle te sourit
elle te sourit encore
alors que la vrai fleur elle pleure, la vraie fleur elle pleure
elle est dans le vase et je la vois
elle pleure en me regardant
c’est toi qui es parti sans elle
je lui dis que tu reviendras
mais la fleur ne m’entend pas
la fleur est encore à côté
la fleur essaye de se dégager
la fleur demande à quand tu viens
la fleur me dit « je n’entends rien »
alors je continue de lui parler
le problème c’était que c’était pas une vraie fleur
3 février 2019
j’égoutte des pétales
dans un puit de farine
quand les yeux sont tournés
être prête à dissimuler
les pleurs
sur le monde de l’habitude
entre les rails l’arbre s’est coupé en deux
un seul coup d’épée
des offrandes se dérobent
les abeilles avalent le sel de l’océan
c’est sonore et indolore
putain de discours sans fin
please kill me
« je n’aimais pas la police des machines à écrire IBM que nous avions volées au bureau »