Vu sur le port. Un gros bateau navigue doucement pour venir amarrer. Est-ce que c’est bien ou mal ?
Cela me rappelle la période « ça fait rien si..? », quelque temps après son viol, après l’alarme, le regard injecté d’inquiétude.
Mercredi matin, matin du marché. Maman sort de la salle de bain, la serviette enveloppant son corps « Alalalalalalalalalaaaaaaaaa! Qu’est ce qu’on dit après la douche les enfants ? ». Mon frère et moi, en coeur: « Aaaaaaaah ça fait du bien! » Sourires aux lèvres. « Allez les titis, on va y aller, rangez vos jeux, pipis et les chaussures. »
Je me rappelle le regard défieur que je lui lançais lorsqu’une potentielle course pointait. Nos bras s’activent, la tête aux aguets, le rire incontrôlable. Il accepte le défi sans dire un mot, la réponse dans l’éclat de ses prunelles. Le premier arrivé au garage, les chaussures lacées aura raison de l’autre. Tirer une chaise en guise d’obstacle, des bousculades chaleureuses, je le devance et m’assois en plein milieu du passage, m’imposant entre lui et la victoire. Ne sentant pas la pression habituelle d’une Tomate se frayant son chemin, je me retourne, le vois s’en aller dans sa chambre. Je lace une première chaussure, il me revient, sa bouille pleine d’innocence. Sans aucune hésitation, il me partage un regard derrière lequel je devine une peur coupable. « Peter, ça fait rien si j’ai regardé le four ? » « Le four ? Non, comment ça ? » Je me retourne et le considère, les lacets de ma deuxième chaussure trainant sur le sol. « Bah j’ai marché, j’ai levé la tête et j’ai vu le couteau sur la table, puis j’ai vu le four puis j’ai pensé à quelque chose de pas bien. » « Je ne sais pas, à quoi tu pensais ? »
Je mentirais si j’écrivais sa réponse. Je ne peux même pas l’imaginer par interdit de remettre sa parole en doute. Ça lui prendra plusieurs années avant de ne plus ressentir le besoin de nous les exprimer. Aujourd’hui, je me demande pour la première fois si « ça fait rien? » vit toujours dans ses pensées.
J’ai le sentiment que depuis, il se cache en moi, tapit dans l’obscurité des ombres de mon âme. « Est-ce que c’est bien ? Est-ce que c’est mal ? »