Extrait de carnet n°1
« Je voulais parler d’Ezra mais des choses drôles se sont alignées en sortant ce carnet de mon sac.
D’abord en rentrant du marché je me suis retrouvée à une vraie table de merde en terrasse. Coincé entre le trottoir et l’arbre qui gâche la vue, les chaises en équilibre sur la grille d’égout. Jamais je n’aurai choisi une ignominie pareille si je n’étais pas au téléphone avec mon père pendant que j’essayais d’effectuer mon rituel saturdien.
Mince, j’ai regardé mon téléphone, ma main a changé de position sur mon stylo et… l’idée est partie… Foutue mémoire délétère. Je t’ai entraîné pendant plus d’une décennie et il a suffit de quatre années post-bac pour que non seulement tu me laches mais que tu m’humilies. C’est humiliant de ne pas pouvoir se souvenir. Quel est le rat qui vient grignoter mes archives ? J’ai l’impression d’avoir vécu l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie quand je compare ma mémoire du lycée à celle de maintenant.
Donc, je voulais parler d’Ezra… Ezra c’est ma peinture, mon dessin, ma photo, mon écriture, mes yeux, ma main […] non, enfin, juste tout ce que je fais. Mais c’est aussi la petite beauté du sticker tombé du carnet, dont le deuil a été effectué, qui réapparaît miraculeusement un samedi matin, après avoir finalement trouvé une super table, les bulles de savons dans les rayons du soleil, 11h11 à la montre. Ezra c’est la beauté de l’alignement et l’équilibre. L’accomplissement miraculeux d’une peinture mal partie, un coup de fil qui nous donne le smile après un début de journée compliqué.
Ezra ne devrait pas être encore complètement définit car […] Les dents du fond qui baignent pourtant Ezra est là. »