le fil (2)
Bonne-Maman tricotait, comme toutes les femmes de sa génération. A l’école ou à la maison, quand on était née fille, c’était obligatoire. Mais elle, je crois, aimait vraiment ça. Quand elle tricotait dans le fauteuil (en velour vert sapin de Bon-Papa, tout près de la fenêtre donnant sur la véranda), ses mains travaillaient si vite qu’on aurait dit qu’elles étaient liquides. Peut-être avait-elle trouvé dans la répétition de ces gestes souples un espace ample et extensible. J’imagine se déployer sous ses aiguilles les champs de son enfance, à perte de vue. Partout autour, les chevaux qu’elle aurait élevé si elle avait eu le choix. Parce qu’elle me l’avait dit une fois, au détour d’une conversation : “si je pouvais recommencer, je travaillerai avec les chevaux”.