Canapé bleu
trop plein
parfois ça lui arrive. lorsqu’il fait revenir ses aubergines. sur le chemin de l’école. ou lorsqu’il tape sur son clavier. le plus souvent, il vient de le relever, c’est lorsqu’il s’apprête à aller se doucher. j’imagine que c’est parce qu’il y est tout seul. qu’il est face à son reflet. tout d’un coup, ça va popper. une boule de ses souvenirs dans la gorge qui reste coincée. il est encore en train de se cacher dans la voiture de Mary, jouant le jeu de la surprise jusqu’au bout. des mois durant lesquels il ne rêvait que de cet instant. sursaut dans le temps. il est maintenant dans cette queue, devant la porte 23. ses yeux fixes et injectés se percutent contre le sol « mais qu’est ce que je fous ? ». en pleine réalisation. et pourtant ça ne l’a pas encore frapper de plein fouet. il se retourne. il le voit assis sur les bancs à droite, juste à quelques mètres derrière lui, la tête dans ses mains. je crois que c’est cette image, bien qu’elle soit quelque peu flou, qui fait masse dans la bassine de ses émotions. il est juste là, quelques mètres le sépare d’une nouvelle tendresse, d’un nouveau battement de cil qui remontera en sourire jusque dans le coin de ses yeux. chaque détail de cette dernière image pousse un peu plus cette boule vers le fond. le niveau monte. l’écho de sa voix lui lance une nouvelle convulsion, un poing à rapide et sourd dans les tripes. tout les traits s’épaississent. se mélangent. tout est poreux. juste une dernière caresse dans ses cheveux. ses mains accrochées au lavabo, il n’a plus qu’à attendre que son visage s’évapore dans ses sanglots. tout lâcher. tenter d’en extraire le maximum. il enjambe la baignoire et met la tête sous l’eau. surement qu’il ne veut plus discerner ses larmes, qu’il a besoin de se laver.