ma fan number one
il lance la machine à fumée qu’il a reçu pour son anniversaire. un vrai nuage blanc sort de sa bouche béante et s’étale sur le plateau. le désert s’en recouvre, le nuage grappille centimètre après centimètre son nouveau territoire. il passe par-dessus la montagne, dont on ne devine déjà plus le sommet. la caméra fait un petit bruit. l’enregistrement démarre. il y a un silence monstre dans la pièce, du genre qu’on a peur de briser avec un gargouillement d’estomac ou une respiration saccadée. un instant passe et le nuage s’efface, il se dissipe dans l’air comme la barbe à papa fond sur la langue. il plonge la main gauche dans une caisse en plastique de rangement, de celles que l’on trouve en pack de 15 à moitié prix sur Amazon, et sent tout plein de choses qui lui rentrent dans la peau, lui piquent l’intérieur de la paume. sa petite main encore potelée jaillit en dehors de la caisse dans un bruit sourd, il brandit au bout du bras une toute petite minuscule riquiqui pièce de lego verte. c’est la plus petite taille et la plus jolie couleur. c’est aussi, selon son regard de grand réalisateur, la pièce manquante à son chef d’oeuvre. il la pose dans le décor type western-cowboy shit, sur la base d’un cactus déjà présent, mais pas assez grand selon lui, après quoi il tourne une nouvelle fois la scène.
je dois la montrer à ma fan number one, il dit.
elle va trop kiffer, il dit.
p’tet qu’en voyant comment j’ai bien travaillé, il dit, elle voudra bien m’acheter le nouveau pack lego.
maman, il crie, en remontant les escaliers qui mènent au garage en courant.
ses parents ont des amis à la maison, aujourd’hui.
il tombe d’abord sur un groupe d’adultes avec son père, ce sont tous des pères.
ils sont dans le salon.
il trouvera un groupe d’adultes avec sa mère, toutes des mères, dans la cuisine.
il criera et bougera les bras et tirera sur la jupe de sa mère, sa fan number one,
qui lui dira pour une fois de la laisser tranquille.