Chez Ninon
Il entrouvre la porte de sa chambre. Il n’y a plus de place dans le lit de Mamie pour faire la sieste.C’était un grand lit tout de même. Mais il est un peu gros, et il savait que Mamie avait une préférence pour Tommy. Elle lui dit d’aller faire la sieste avec Eric, dans la chambre d’à côté. Il connait bien Eric, surtout par ce qu’il a de différent de ses frères et soeurs. Maman lui a racontait que les infirmières avaient oublié de faire un truc avec le placenta. Que dû à une incompatibilité des sangs, Eric s’est retrouvé a avoir des séquelles, des retards, un handicap. Mais il n’avait jamais connu Eric qu’en dehors de sa chambre. Jamais il ne lui serait venu à l’esprit d’y entrer ou bien même d’y jeter un oeil curieux en passant devant. Seul dans ce couloir sombre en plein après-midi d’été, il n’ose pas ouvrir cette porte. Tout son corps le retient en arrière, semble lui dire qu’il ne doit pas le faire. Mais dans son esprit, y renoncer n’est pas envisageable. Il avait bien trop peur de Mamie. Il devait faire ce qu’elle avait dit. Fébrilement, il inspire et affronte sa tétanie en poussant cette porte de chambre. La pièce est plongée dans une pénombre qu’un flou lumineux, un flash souvenir vient banalement hanter. Eric devait déjà être là. Ou peut-être pas. Il ne se souvient pas de la transition. Ce qui est sur, c’est que comme un éclair, il est allongé tout droit dans le lit, un malaise grandissant qu’il ne comprend pas. L’image d’un corps nu d’homme adulte. D’un sexe suintant, trop chaud qui prend ses aises, se souciant nullement de sa présence d’enfant. Comme une première image d’un partage au masculin. Simple cauchemar, association d’histoires ou souvenir enfoui. Il ne sait pas d’où lui vient ce récit qui lui apparaît au cours de sa vie tel un flash. Sans trauma, sans chagrin ni désastre. Juste un état des lieux, quelque chose qui le traverse depuis des années qu’il partage pour la première fois, sans savoir si un jour il connaitra la vérité.