Table du salon, Ménesplet
Allongé sur son lit, elle pose sa tête sur ma poitrine, la peau de son bras d’une douceur de lait qui me manque déjà. Et dans l’arrière de sa voix, tout caché, je perçois la femme que tout le monde a oublié. Une boule dans ma gorge se forme quand se révèle tout ce qui se cache derrière cette forteresse. Une tendresse vibrante de soie, d’une âme à réchauffer les plus grands froids. Et je suis impuissant, de temps et d’argent. Je n’ai que l’amour des mots, des silences. Seulement la considération absolue à lui dévouer. Ca n’est jamais assez. En elle, sans qu’elle le sache, je rencontre la petite fille qui rêve éveillée, qui danse, rit, aime virevolter. Je la vois dans tout son éclat, unisson d’artifices explosant sourdement derrière tout ces apparats. Des projections colorées et pétillantes derrière les aspects glauques de son quotidien. Je lis dans l’impalpable de son coeur tous les voeux irréalisés. Toutes mes histoires qu’elle relève avec tant de fierté, qu’elle vit par procuration, qu’elle ne jalouse jamais même à regret. Tous ces souhaits, romans sans fin qui l’emprisonnent, qu’elle a su me transmettre sans jamais m’enchaîner. Et en elle j’assiste impuissant à ce qui chutent depuis tant d’années, si lentement, au travers de sa façade toute fissurée, prunelles si résignées, incapable de trahir toute sa bonté. J’aimerai lui poser les questions que seules mes larmes connaissent. Lui demander qu’elles sont ses peurs que je ressens tant sans comprendre. Comment supporte-elle de vivre ce que je ne supporte plus de regarder ? L’insouciance me manque et je ne veux plus voir aussi bien.