Errances

14 décembre 2014

Un Dimanche aux Champs Libres

Filed under: sillons,flâneries,sillages — Étiquettes : — errant @ 17:59

Je crois que j’aime pas les musées non plus. Tout à l’heure je me suis levé, j’ai marché entre les vitrines. Y’a des reconstitutions
un peu psychées : avec des mannequins. Le premier que j’ai vu, m’a fait sursauter. Je trouve que ces bonhommes figés avec leurs
fringues cheloues, ont plus de présence que les gens qui les regardent : ceux qui louchent sur les vitrines  pleines
de bordel entassé. Je ne sais pas si elle est permanente cette exposition. On m’a dit tout à l’heure qu’il s’agirait des collections
d’un type un peu farfelu. Et donc, les gens regardent. Tu vois leurs pupilles qui rebondissent sur les objets. Vite, elles vont vite
ces pupilles, elles s’attardent pas sur les choses. C’est passé de mode de prendre son temps. Là, je regarde un truc au pif.
Quatre gros volumes en cuir épais marron / rouge, empilés comme ça :

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En mode Art Déco. Et c’est plein de motifs, c’est assez généreux Je les regarde là, quand j’écris, et je me dis qu’il faut quand même
un peu de temps pour rentrer dans l’objet, pour le saisir. Alors que tout le monde va vite. Qu’est c’que tu regardes mec, qu’est c’que
tu fais avec tes œils là ? Quand j’te vois, j’ai l’impression que tu captes rien à c’que tu fous avec ta femme là, ou ta sœur. Tu balayes,
tu fais des captures de matière. Tu vas aussi vite que ton téléphone, tu superposes des couches de rien pour nourrir ton vide.
Conard de cyborg sans âme.

Mais c’est quand même pas très sympa de dire des trucs comme ça. Parce qu’il y a aussi des gens qui regardent. Mais les autres,
est ce qu’ils sont prisonniers de ce qu’ils doivent être ? Ca pourrait être une idée d’idée, j’en sais rien…

Qu’est c’qui fonctionne pas ?

Dans la ville de Rennes. Avec des p’tits programmes culturels de week-end joliment bien fait. Avec des lignes de bus que tu peux
voir dessiner sur des plans bien organisés. Ces bus qui ont des voies tracées rien que pour eux; bien délimitées. Ces bus, où chacun
à son p’tit siège aligné sur les autres; deux par deux. Ils t’emmènent jusqu’au Champs Libres, le temple de la Culture.
Parce que Rennes, c’est la ville. Ca se cultive sec à Rennes, ça fait parti du bon vivre, troisième au classement. Et ce bâtiment alors;
Divisé en étages. A chaque étage t’as des rayons, avec des thématiques, des sous-thématiques, des mathésous-tiques. Et les livres
sont bien rangés, bien triés, bien classées. Dans leur étagères, entassés les uns sur les autres, c’est la masse culturelle, qui t’oriente
qui te dirige dans les couloirs du temple. Et toutes ces présences rassemblées au sein même du grand sanctuaire de la Culture.
Ca s’en donne à cœur joie avec nos pupilles et nos œils qui vont vite. Y’a du monde, de la matière, ça dégueule d’informations,
de données, c’est l’orgie dominicale ! Tout fonctionne dans la fonctionnalité !

Et mes mannequins chelous, avec leurs fringues de barges ; et le bordel du farfelu de collectionneur au milieu duquel je me suis caché ?
Il y a des couleurs vieillies, des livres abimés, du papier jauni, déchiré. C’est complètement hétéroclite. C’est fou toute cette matière,
ça parait inorganisable. J’ai l’impression que même un enculé de bon Technicien réussirait pas à trouver de systématique de rangement
approprié pour tout ce bazar. Du coup, ils ont tenté de le diviser un peu quand même. Ils ont mis le bordel derrière des vitrines.
Ils l’ont enfermé. Et les gens passent devant avec leur pupilles qui vont vite. Et ils regardent le bordel enfermé; parce que c’est inté-rressant,
parce que c’est ma-rrant. Bobos de merde. Si vous étiez pas là, on aurait pas besoin d’enfermer le bordel.

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