Le pull d’automne.
« (…) Porter sur soi les châtaignes, les sous-bois, les bogues des marrons, le rouge rosé des russules. Refléter la saison dans la douceur de la laine. Mais un pull neuf : choisir le nouveau feu qui va commencer de finir.
Dans des tons verts ? un vert d’Irlande, pois casse, brumeux, whisky rugueux, sauvage et solitaire comme les champs de tourbe, l’herbe rase. Mais roux ? il y a tant de rousseurs, chevelures ophéliennes, désir de goûter comme avant, pain-beurre-pain d’épice, forêt surtout, rousseur du sol, rousseur du ciel, insaisissables odeurs de foires et bois, de cèpes et d’eau.
Un pull très grand : le corps va s’abolir, on sera la saison. Un pull en creux d’épaule, en espérant…Même pour soi, c’est bon, cette façon de jouer la fin des choses ton sur ton. Choisir le confort des mélancolies. Acheter la couleur des jours, un nouveau pull d’automne. »
La première gorgée de bière, et autres plaisirs minuscules, Philippe Delerm.