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ici le langage des mots n’existe plus. à force de se taire les gens sont devenus presque muets, parce que parler dans le silence qui amplifie la voix rend trop présentes les idées. c’est comme ça que j’ai appris à me taire, pour rencontrer des regards et des souffles qui disent mille choses. ainsi la ville et les gens ont un langage commun. un unison comparable à une osmose. Tout entendre. le moindre tremblement est un message que longtemps on avait oublié d’écouter. regarde le soleil. regarde mes yeux. pose ta main sur mon oreille. dis-moi. la nuit on lit des livres sous les grands draps. parfois je m’arrête et j’écoute la lecture intérieure des autres. tous ces mots qui attendent d’être dits dans toutes ces têtes au même endroit et au meme moment. j’y vois la fuite de quelqu’un qui a peur, le coeur et l’âme en peine, les montagnes pour atteindre des sommets et se faire prendre par le vent, une femme dans son salon qui regarde par la fenêtre une jeune fille et un enfant. j’ai tout lu de ces livres dans le silence du monde.