Errances

9 décembre 2018

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Michel Foucault: L’utopie du corps

il est ici, irréparablement, jamais ailleurs
le petit fragment d’espace avec lequel je fais corps
même présence, même blessure
le lieux sans recours auquel je suis condamné
l’utopie c’est un lieux où j’aurais un corps sans corps
toujours transfiguré
l’utopie d’un corps incorporel
l’utopie des corps glorieux, puissant, solaires
et dans cette cité d’utopie des morts, voilà que mon corps devient solide comme une chose
éternelle comme un dieu
le grand mythe de l’âme
elle s’en échappe pour voir les choses à travers les fenêtres de mes yeux
elle s’en échappe pour rêver quand je dors
pour survivre quand je meurs
elle durera longtemps mon âme
quand mon vieux corps ira pourrir
l’âme, les tombeaux, les génies et les fées
ont soufflés sur sa lourdeur, sur sa laideur

mon coeur possède lui aussi des lieux sans lieux
les choses entrent dans ma tête quand je regarde
puisque le soleil quand il est trop fort et m’éblouit va déchirer jusqu’au fond de mon cerveau
corps incompréhensible, corps pénétrable et opaque, corps ouvert et fermé, corps utopique
je sais ce que c’est qu’être nous
fantôme qui n’apparait qu’au mirage des miroirs
être à la fois indisociablement visible et invisible
rien n’est moins chose que lui
il se laisse traverser sans resistance par toutes mes intentions
jusqu’au jour où j’ai mal
là je deviens chose: architecture fantastique et ruinée
les utopies sont nées du corps lui-même et ce sont peut être ensuite retournés contre lui
le rêve de corps immenses et démesurés qui dévoreraient l’espace
masques, maquillages et tatouages
ce n’est pas acquérir un autre corps
c’est faire entrer le corps en communication avec des forces invisibles
un langage chiffré, secret, sacré
la puissance sourde du sacré, la vivacité du désir
un fragment d’espace imaginaire qui va communiquer avec des divinités
le corps est arraché à son espace propre et projeté dans un autre espace
tout ce qui touche au corps fait épanouir sous une forme sensible et bariolé les utopies sellées dans le corps
faire entrer l’espace de l’autre monde à l’intérieur
le corps du danseur
et les drogués aussi, et les possédés
sanglant paradis
mon corps est lié à tous les ailleurs du monde
le corps est le point zero du monde
il n’es nul part
il est au coeur du monde ce petit noyau utopique
mon corps est comme la cité du soleil: c’est de lui que sorte tous les lieux possibles
le miroir et le cadavre sont eux-même dans un ailleurs

faire l’amour
c’est sentir son corps se refermer sur soi
c’est enfin exister hors de toute utopie
avec toute sa densité dans les doigts de l’autre
sous les doigts de l’autre
toutes les parts invisibles de votre corps se mettent à exister
il y a un regard enfin pour voir vos paupières fermées

dans l’amour, le corps est ici.

 

 

 

2 Comments »

  1. parfait

    Commentaire by christian — 13 décembre 2018 @ 13:05

  2. wow

    Commentaire by asthene — 13 décembre 2018 @ 13:06

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