Errances

12 février 2019

La cité judiciaire

Filed under: méandres — Étiquettes : — errant @ 20:03

Je rentre dans une pièce où l’on a jeté deux bureaux, quatre chaises et un meuble de rangements. L’agencement est du type temporairement permanent, du genre on s’y sent mal mais on ne touchera jamais à rien, de peur de casser la routine sans doute.

Je m’installe à gauche en face de la poupée en uniforme qui m’a servi de guide. Elle a une bouche énorme, tirée comme un élastique d’une joue à l’autre. Elle a des petits yeux bleus maquillés et une énorme touffe de cheveu crêpé qui lui donne un air de barbie usée. Son ton est professoral et désobligeant.

Je me dis que j’ai quand même de la chance car l’employée à côté me semble pire : elle répond au téléphone d’un ton traînant en faisant des blagues gênantes. Acerbe et acariâtre, taclant et gueulant la première quand le choses s’envenime. Au moins je sais qu’en faisant profil bas devant miss leçon-de-vie cela filera sans histoire.

La procédure prend quand même du temps. Je la regarde marteler son clavier touche par touche comme si s’était une vieille machine à écrire. Elle a des tics impressionnant quand elle se concentre, passant du citron acide à la redescente de LSD.

Je remarque le lino avec un imprimé de marbre rose. Je me dis qu’il ressemble beaucoup à des tranches de jambons. Des gens vont et viennent dans ce cagibi. Le classique poste radio susurre de vieux titres pops, juste assez bas pour qu’on y fasse plus attention à l’instant où on a reconnu l’air du tube.

L’attente s’allonge. Je commence à être à court de divertissement visuel. À côté, la dame au ton traînant se fait aider par une collègue pour apprendre à remplir un formulaire. « Ha oui, je suis très rapide moi ! » Dit-elle en s’embrouillant dans ses papiers. Sur l’imprimante, collé au hasard sur le plastique gris, des étiquettes de pommes consommés au fil des pauses-goûtés.

Le dossier est enfin complété. Je me lève, elle me sourit, crispée à faire en faire sauter ses zygomatiques. La suivante sur la liste, une femme et sa poussette, s’affale sur le siège. Elle est en pleure et parle déjà d’une voix étranglée mais je n’écoute pas, je suis déjà hors du bâtiment.

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