Le Morse
Sur son grand désert glacé, le morse, mammifère massif observe l’immaculé qui l’entoure. Il n’a pas de prédateurs ici. Ses congénères sont partis, il est seul, attentif à son environnement. Le va-et-vient des thons, le mouvement des bancs de krill, la reproduction des manchots… Le morse s’attache à cette nature aride, immobile et pensif, l’animal puise dans cette solitude pesante la force du discernement. Eloigné des siens, les distractions futiles s’évaporent laissant l’âme à froid. Aussi calme que la banquise gelée. Il ignore la raison de cette retraite. Peut-être veut il comprendre, tout comprendre, se comprendre, percer les secrets des cycles des flux et reflux. Quitter l’instinct animal, primaire pour s’élever. Pas pour la supériorité, plutôt pour revenir à l’équilibre. Il s’abandonne complètement, devient la glace, la neige, l’eau, le vent, l’air, la roche. Bientôt, rien ne peut plus le percevoir, ni même lui ne se perçoit. Il est mort. C’est dans la mort que lui apparaissent les réponses qu’il cherchait. L’oeil est neuf, le regard est nouveau. Il ne voit plus que ce qui lui est visible et pourtant tout est plus clair. La brume s’est dissipée. Une paire d’aile s’est matérialisée sur sa colonne. L’Odobenus rosmarus se laisse glisser dans l’eau glacée et disparaît dans l’abîme, sans un seul remous. Part-il rejoindre les siens? Il a encore tant à apprendre.