De la violence de dire adieu aux lieux
C’était la fin. Quand je sortirais, ce serait pour la dernière fois. Il faisait froid, on était début février. J’avais gardé mon manteau à l’intérieur. Les pièces étaient presque vides, il ne restait plus que certains meubles trop encombrants ou des objets retrouvés au dernier moment, dans un coin, et que l’on hésitait encore à jeter. J’ai fais le tour des pièces, seule. Un tête à tête avec mon passé alors que les autres s’affairaient dehors. Le besoin impérieux de dire au revoir à cet espace qui avait construit la plupart de mes souvenirs d’enfance. Mais par dessus tout, se séparer de cette maison me donnait le sentiment de devoir couper les liens tenus qui me connectaient encore à Elle.
Mes larmes coulaient sur mes joues tandis que mes pas résonnaient, amplifiés par le vide. Ils me séparaient d’Elle et c’était atroce. Cette maison, et ces alentours, ça avait été comme un espace hors du temps. Le seul endroit où j’étais sûre que les choses restaient les mêmes. Où je n’avais pas à me soucier de quoi que ce soit. Mes tracas d’enfant s’envolaient. Cette maison c’était mon sanctuaire et Elle en avait été la gardienne. Mais Elle n’était plus là et les années avaient passé.
Ils étaient en train de passer à autre chose et moi je devais faire face à mon incapacité à en faire autant. Alors au fil de ma déambulation, j’ai pris en photo tout ce qui me raccrochais à mes souvenirs, tout ce qui avait fait sens avant. De figer dans les pixels de mon appareil ce monde que je quittais et qui avait habité les histoires de la petite fille que j’avais été. Une tentative désespérée pour essayer de cartographier le passé. De pallier aux écueils qui se feraient à ma mémoire.
Même maintenant quand je revois ces photos et que beaucoup de souvenirs ont disparus, le sentiment reste. Le sentiment que ces détails était importants. Que même si le fond à disparu, l’impression demeure.