la robe blanche
Elle avait enfilé une vieille robe appartenant à une de ses tantes. La coutume voulait que l’on porte du blanc. Elle n’avait pas prévu ça quand elle avait fait sa valise trois jours plus tôt. Le blanc c’est pour la lumière, pour que ceux qui partent ne soient pas écrasés par l’obscurité. C’est ce qu’on lui avait raconté quand elle était enfant.
Sa mère lui avait passé des créoles en argent. Elles lui touchaient presque les épaules. J’aurais aimé que tu la connaisse, tu l’aurais apprécié lui avait-elle dit dans le taxi à sa sortie de l’aéroport.
Dans le salon les convives parlaient fort mais aucun rire ne résonnait. Chacun avait apporté un petit quelque chose à manger et à partager. Plus tard quelqu’un aurait la lourde tache de rapporter chaque plat, chaque assiette au bon propriétaire.
Elle regardait sa mère. Ses mains agitées. Son assiette pleine à laquelle elle n’avait pas touché. Les sourires faux qu’elle esquissait lorsqu’on venait lui parler. Ses larmes qu’elle partait essuyer discrètement dans la salle de bain. C’était une femme fière. Avec une sérénité à toute épreuve. La voir aussi en proie à ses émotions la troublait.
Comment la mort d’une femme dont, elle, n’avait presque jamais entendu parler pouvait-elle autant la troubler? Une multitude de questions commençait à percer. Les réponses ne viendraient pas de sa mère. Ca elle le savait. Elle allait devoir partir elle même en quête de vérité. S’immiscer dans les souvenirs d’une vie dont personne ne parlait à la maison. Elle aperçut sa grande tante, assise sous le griffonia du jardin. Son haut turban blanc et ses petites lunettes rondes posées en équilibre sur son nez. Celle-ci lui fit signe de venir s’assoir à coté d’elle sur le banc. Une interruption bienvenue au flot de questions dont l’assaillait tantes, oncles, cousins et neveux. Elle attrapa deux verres de jus de mangue et sortit.