Solveig ou l’échec du pessimisme.
Les yeux creusés sans sommeil, la peau enflée par d’invisibles boutons, un goût infect sous la molaire, Solveig portait le spleen comme un vêtement que l’on oublie de retirer en allant se coucher. Un tissu poisseux, odorant et lourd que l’on n’hôte pas soi-même.
Par manque de compagnie, Solveig s’était attachée au poids de son propre chagrin.
Ne plus y croire était, certes, affligeant, mais à la déception se greffait un certain soulagement: les engagements n’ont plus de valeurs dans la fatalité. Pour Solveig, la fatalité était sa seule certitude, donc l’abattement devenait l’unique posture qui tenait bon.
Pourtant, malgré ses échecs amoureux et son bancal équilibre bancaire, c’est bien sa vocation de pessimiste que Solveig ratait avec le plus d’efficacité. En théorie, voir et croire en un univers régi par la fatalité et la vanité aurait fait de Solveig un exemple de retenue et de stabilité: Comment regretter l’absence de ce que l’on espère plus ?
Ni stable, ni retenue, Solveig n’hésitait pas à oublier son pessimisme dès le passage d’un soupçon d’espoir. Elle se surprend, alors, à danser, à rire, à aimer, à oublier cette misère retrouvée aussitôt que l’ivresse de cette bonne compagnie se dissipe. Elle embrasse à nouveau la fatalité, mais celle-ci, sous le jour d’une désillusion trop fraîche, n’offre qu’une autre vaine promesse. Elle promet l’assurance d’un regard débarrassé du doute: Tout sera pourris, c’est garanti.
On ne survit pas longtemps à cette posture sans déviations. Et comme tout les désespérés que l’on peut encore sauver, Solveig est trop lâche pour le suicide. Il lui reste assez de doute pour ne pas se détruire trop vite. Alors elle porte le vêtement pesant d’une tristesse léthargique, attendant qu’on le lui retire ou que la mort soit offerte.