Le Rêve d’Ernest
Ernest attend devant la porte de sa chambre d’hôpital. Les médecins préservent son corps dans une bulle stérile, pour éviter qu’il se décompose trop vite. Pour eux c’est ce qu’il y a de mieux à faire, c’est évident. Les corps des céphaloblastés peuvent rester inertes pendant des semaines lors des absences, mieux vaut éviter qu’ils se réveillent dans un corps putride. Le seul moyen de rentrer serait via la perfusion, encore faudra-t-il se faufiler dans le sac. Il est bientôt trois heure, le centre de réanimation est aussi calme qu’il puisse être. Les détails ici ne sont pas aussi intrigants qu’au dehors, les lumières sont blanches, les individus sont fatigués quand il ne s’affolent pas et la plupart des évènements sont tragiques. Ernest ne veut pas ressentir se qu’il se passe dans les chambres réparties le long de son couloir :
Quitter son corps était déjà suffisamment éprouvant pour ne pas éprouver la mort de quelqu’un d’autre.
Mais que vivre d’autre ? Il ne peut pas sortir de l’hôpital sans risquer de s’égarer à jamais, et à part les dizaines d’agonies en court, il n’y a, ici, personne d’éveillé qui ne décourage pas Ernest de s’accrocher à l’existence humaine. Personne à part les dormeur.euses. Les yeux fermés, iels ne ressentent ni l’inconfortable mobilier qui les bercent, ni l’horreur qui les entourent. Iels ressentent des réalités qu’Ernest ne peut pas atteindre. Des évènements que l’on ne partage pas et dont on se souvient peu.
Ernest a besoin de rêver, maintenant. Après tout son corps dort déjà.