Le Soleil brûlait légèrement mon bras gauche et, tandis que l’écume me léchait les mollets,
je m’imaginais la mer monter jusqu’à recouvrir le Monde.
Elle envahissait d’abord les littoraux, avant d’atteindre les villes
de plus en plus loin dans les terres, pour se refermer enfin sur tous les bâtiments
jusqu’au dernier, sans considération pour quoi que ce soit.
Je pensais à tout ça sans éprouver aucune peur, c’était même presque rassurant,
cette idée que la mer englobe notre Chaos par son indifférence,
comme si, d’une certaine façon, tout rentrait enfin dans l’ordre.
Après un moment d’enthousiasme voilà
Non pas l’ennui
Mais un profond désintérêt
J’ai fui la ville au petit jour
En laissant dans le ciel,
Vingt mètres carrés de silence confortable
À mes aquarelles.
C’était précisément ça que je ressentais: j’avais bien joué mon rôle.
J’avais fait mon métier d’homme et d’avoir connu la joie tout un long jour ne me semblait pas une réussite exceptionnelle, mais l’accomplissement ému d’une condition qui, en certaines circonstances, nous fait un devoir d’être heureux.
Nous retrouvons alors une solitude, mais cette fois dans la satisfaction.
Albert Camus – Noces à Tipasa
J’ai dit à voix haute ce qui me passait par la tête: rien de sensé.
« …………………….. »
Plus aucune pensée claire, seules, rampantes, des bribes de Chaos.
Mais le Chaos ça me connaît, j’ai déambulé en panique, puis retrouvé mes esprits, je me suis rappelée que tout va bien jusqu’ici.
C’est valable jusqu’à demain, déjà ça de pris.
Vous vous croyez discrets ?
Vous pensez nous tromper avec des attitudes attendues, mais on vous voit, on vous reconnaît quand vous marchez d’un pas pressé, des poèmes plein les poches, des poèmes plein la tête, sur le bout de la langue.
Que vous nous parliez d’une chose, de mille façons différentes, ou que vous préfériez vous taire, on vous repère, brillants sous vos masques.
Vous êtes bleu, lilas, taupe ou émeraude, vous êtes sensibles, vous êtes inspirants.
2:04
Je ressens tout.
Ça n’a pas de forme mais c’est chaud, un peu douloureux, juste assez pour que ça reste agréable.
C’est aussi légèrement effrayant.
Haletant et fourbu par l’effort, les oreilles vibrant encore des coups répétés, il posa finalement son marteau pour lever les yeux vers l’immense cadre doré.
Il penchait vers la droite avec insolence.
En s’approchant, on aurait même pû penser que les personnages de la photo se moquaient de lui, à l’abri de leur couverture de verre.
Mais il pensa aux nombreux clous qu’il venait d’enfoncer dans l’épais mur de brique et haussa les épaules en s’éloignant.
Le cadre n’avait qu’à pencher.
Non, elle est toujours ailleurs, sans cesse.
Je l’ai attendue ici, fidèlement, je l’ai attendue longtemps.
Pourtant à chaque fois,
son esprit échappe à mon étreinte, et elle me laisse seul.
L’air est glacial,
mais j’attendrai encore.