monsieur qui joue de la guitare électrique trois fois par jours (tu fais des progrès, continue)
monsieur qui se mouche à la fenêtre
monsieur qui crache ses glaviots à la fenêtre quinze fois par jours (heureusement que t’es au 1er connard tu me répugnes)
madame qui gueule sur monsieur
monsieur qui jette des verres et des fruits par la fenêtre (décidément)
inconnu à l’humeur changeante et binaire qui écoute un temps des musiques dépressives un temps du reggaeton (sympa ton enceinte je peux shazam de mon lit)
madame qui rit vraiment très fort
monsieur qui joue aux jeux vidéos et partage ses réussites comme ses défaites (pauvre bureau la meuf de l’agence va être contente tiens)
l’odeur de graillon, d’oignons et de ribs deux fois par jours (ne vous respectez-vous pas?)
les messieurs bourrés en bas de l’immeuble qui, au choix, se vomissent dessus ou gueulent sur des jeunes en survêtements (parfois les deux)
les klaxons de trains (merci pour tous ces arrêts cardiaques qui ont rythmés mon quotidien)
j’aime bien l’amour
parce que c’est sympa, c’est rare
ça fait rentrer quelqu’un dans son soi-même
je trouve ça fou
l’amour
mais d’un côté j’aime pas trop l’amour
parce que c’est flippant, ça rend dépendant
ça fait perdre une partie de soi-même quand c’est pas là
et je trouve ça fou
incroyablement flippant
incroyablement épatant
hier soir,
bruit de verre qui s’éclate au sol
qu’est-ce qu’ils branlent encore ces voisins de merde
deuxième verre
troisième verre
« mais putain, ça suffit »
une madame pas contente
je la rejoint là-dessus
c’est quoi ces manières
ce matin,
bruits étranges en bas de l’immeuble
voilà monsieur qui ramasse ses conneries
balais regroupant verre, mégots et matières indéterminées
madame supervisant l’opération
se retrouvant au rang de mère involontaire
je pouvais lire sur son visage
la résignation, l’autorité
qu’elle n’aurait pas du avoir à porter
Entrée dans le bourg de Tourc’h, première rencontre : brouillard lourd et persistant.
Les rues sont désertes et les façades vieillies, fissurées, je devine un ancien bar derrière la vitre opaque laissée à l’abandon. Poursuite du chemin, le brouillard me précède et me suis, l’apparence des rares panneaux me fait douter de l’année dans laquelle je vis.
Bar
Dépôt de pain
Crêperie
Épicerie
Tabac
Journal
De la lumière à l’intérieur, preuve de vie humaine, je me demande comment un commerce peut proposer autant de services. Prolongement de l’état des lieux, la mairie se confondrait avec une maison de campagne et prends ses fonctions grâce à son enseigne. La bibliothèque la rejoint et la façade semble elle-même ne pas y croire. S’étonner de l’aspect fantomatique d’un village de campagne de 1000 habitants un jour de brouillard serait hypocrite mais je l’avoue, cette vision pour le moins saisissante appelle grandement à la contemplation. Commence alors une quête, celle consistant à rechercher les protagonistes du lieu, car ils existent c’est certain, personne ne s’embêterait à ouvrir un commerce proposant pas moins de six services si ce n’était pas le cas. Une voiture se gare, deuxième rencontre : monsieur, regard appuyé m’étant destinée, je suis démasquée. Sensation inévitable qui est celle de l’étranger, un peu intriguant, un peu menaçant, toujours repéré. Troisième rencontre : madame, se demande ce que je fais plantée là sous la pluie. Regard méfiant et légitime, je suppose, envers l’appareil photo. Je continue l’exploration, m’éloigne vers d’autres rues, la quête devient plus difficile. Et pourtant, quatrième rencontre, la patience porte ses fruits : adolescent, passant sur son vélo, ressemblant à un virevoltant d’un film de western et disparaissant dans une masse verte désaturée par le brouillard. Brides de vies qu’il faut saisir au vol ou aller chercher derrière les murs abîmés, il y a matière à découvrir pour qui prends le temps, se familiarise, questionne un peu, s’y attarde longuement.
souvent je m’imagine trouver un enfant abandonné dans la rue
ses parents se seraient barrés
il saurait marcher, parler et aller aux toilettes tout seul
il serait calme et timide
il aurait un peu faim parce que ce serait l’heure du goûter
les flics sauraient pas quoi faire de lui
alors je l’adopterais
je crois que je l’aimerais bien
passer un oral
l’engagement
le fait de stresser
montrer mes travaux à quelqu’un
les gens qui se battent près de moi (imagine ils ont un flingue?)
entendre parler de mort
entendre parler de maladie
entendre parler de réchauffement climatique
ne pas avoir de nouvelles de quelqu’un qui devrait déjà être arrivé
le fait de fumer (et fumer après pour déstresser)
aller dans un groupe d’inconnus avec quelqu’un en qui j’ai bof confiance
ramener quelqu’un dans un groupe de personnes qu’il ne connait pas
l’ordinateur qui beug (ouais et alors?)
parler devant plus de (aller à la louche) 4/5 personnes que je ne connais pas
(…) de 6 si je les connais
ne plus avoir d’argent (du tout)
être en retard
certaines responsabilités (qui engagent d’autres gens que moi)
un jour que j’étais en classe le prof de dessin il a dit qu’en vrai, lui, il savait pas dessiner, et que ce qu’il faisait c’était « de la bidouille » qui « rendait pas trop mal »
un jour qu’il exposait je me suis dit en voyant sa bidouille qu’il se foutait bien de notre gueule ce con, parce que moi si je bidouillais un jour comme lui j’en serais quand même vachement contente
en vrai aujourd’hui quand quelqu’un me demande de lui faire un dessin je ressens toujours un grand stress parce que pondre une tête cernée au bord du suicide c’est pas très folklo, du coup j’ai souvent envie de dire que je sais pas vraiment dessiner et que moi je bidouille un peu, mais c’est tout
bref,
cher professeur qui ne me lira jamais, j’avoue je t’ai traité de con, j’en suis un peu désolée mais pas trop, parce que faut pas déconner je bidouille pas aussi bien que toi, mais voilà je le reconnais : je te comprends, alors soyons solidaires dans la bidouille et la dépréciation de soi-même
je pense la bière c’est un bon remède contre la cystite
le goût du mauvais goût, la culture de l’inculture, j’aime ça quand c’est un peu gras, quand ça sent la campagne reculée et le manque de bus, les gens aux styles uniques car il n’en ont tout simplement aucun, mais ils s’en foutent tu sais, qu’est-ce qu’ils en auraient à foutre de toute façon, de la ville qui perverti, des expos et des métros? j’aime quand c’est galère et un peu pourri, aller dans un endroit et se dire que c’est la famille, ça me fait plaisir quand c’est moche, vieilli ou carrément décrépi, parce que dans le fond c’est ça qui en fait le charme, un assemblage de trucs qui ne vont pas ensemble, ouais c’est ça que j’aime bien, l’assemblage de trucs qui ne sont pas de la même collection, de la même génération, et puis je parle de moche et de pourri depuis tout à l’heure mais tu sais, c’est jamais moche et j’extrapole, je case tout mon champs lexical du pourri pour décrire quelque chose qui ne l’est pas, parce que je dirais même que c’est pas mal du tout, la vérité c’est que je suis coincée à une frontière et je ne sais pas de quel côté je veux tomber
j-2 : j’ai passé la journée en slip, mangé tout le brownie et fais 2 siestes
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
t’es molle
il y a des gens
qui savent appuyer
où ça fait mal
le thé
un goût suspect
je sens mon verre
ah oui, ça sent la bière
comme c’est marrant
diraient mes parents
les rimes qui claquent
depuis que j’ai passé le bac
c’est vraiment une réussite
gravir les échelons dans la fuite
on comprend pas ce que tu fais
on a jamais su ce que tu faisais
ils comprennent pas ce que je fais
mais ils ont jamais su ce que je faisais
quand je vivais à 2 mètres
ou officiellement à 500
ont-ils jamais compris
ou était-ce plus simple de ne pas savoir
je révèle tout maintenant, voilà
ah oui, j’étais pas vraiment là
c’est marrant, on s’en doutait pas